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MILCENT Pierre-Yves
« Le temps des élites en Gaule atlantique (XIIIe-VIIe s. av. J.-C.) »
Dans le sillage de la thèse de J. Briard (Les dépôts bretons et l'âge du Bronze atlantique) et afin de contribuer à une meilleure connaissance de la place du domaine culturel atlantique à une époque cruciale de la Protohistoire des sociétés de l'Europe tempérée, c'est-à-dire à l'âge du Bronze final et au début du premier âge du Fer, j'ai entrepris d'établir une chronologie relative et absolue précise pour le mobilier métallique trouvé en Gaule atlantique, étant entendu que ce dernier constitue, par son abondance et sa diversité le corpus archéologique de loin le plus riche. Le but poursuivi à terme étant de mieux cerner, parmi ces produits métalliques, l'histoire de ceux qui distinguaient les élites, un groupe social dont l'étude est à même de livrer des clefs de lecture fondamentale pour comprendre l'histoire de l'ensemble des cultures atlantiques.
Il s'agissait non seulement de mieux connaître, et situer dans le temps l'évolution des objets atlantiques, mais surtout de cerner les dynamiques de constitution des ensembles auxquels la majorité de ces pièces appartiennent : les dépôts métalliques non funéraires. Avant toute interprétation, une préoccupation fondamentale pour l'historien et l'archéologue est en effet d'évaluer la représentativité du corpus étudiable, et d'identifier les fluctuations documentaires, particulièrement les horizons de hiatus ou de forte contraction qui formeraient autant d'écueils à l'interprétation. Jusqu'à présent, les dépôts métalliques de la Gaule atlantique ont été considérés implicitement comme formant une séquence chronologique continue, avec une augmentation graduelle des dépôts et du nombre de pièces qu'ils contenaient. L'histoire typo-chronologique des objets serait donc représentée dans son entier, si bien que les discontinuités observées au passage d'une étape à une autre seraient principalement attribuables à de profonds changements techniques, morphologiques et stylistiques. Ces changements supposés ont donné lieu à des interprétations, généralement en termes de profondes mutations socio-économiques, ou de diffusion d'influences venues de l'extérieur, essentiellement du domaine nord-alpin. Ces postulats, rarement formulés comme tels, n'ont jamais été véritablement discutés.
Dans la mesure où les chronologies relatives actuelles de l'âge du Bronze final et du début de l'âge du Fer atlantiques reposent sur des strates complexes de travaux dont les fondements remontent au début des années 1960, j'ai retracé dans un premier temps l'histoire des recherches, ne serait-ce que pour souligner que les systèmes chronologiques développés par les chercheurs britanniques et allemands, contrairement à ce que suggèrent nombre de travaux, ne trouvent pas une concordance parfaite avec la chronologie relative qui fut initiée en France par Jacques Briard. Des malentendus persistent, spécialement pour le début de l'âge du Bronze final.
Je me suis appuyé ensuite sur les productions parmi les plus répandues dans les dépôts métalliques, et les plus sensibles à l'évolution du temps pour proposer une chronologie affinée. Ce sont essentiellement les armes, spécialement les épées et leur bouterolle de fourreau, mais aussi les pointes de lance, qui m'ont fourni cette matière de qualité. La chronologie des dépôts que je propose compte quatre étapes, subdivisées en huit horizons, soit six pour l'âge du Bronze final et deux pour le début de l'âge du Fer.
Les deux horizons du Bf 1 restent difficiles à cerner car les dépôts sont globalement peu diversifiés et assez mal connus. Leur corrélation avec la chronologie des dépôts britanniques, et surtout avec les horizons typo-chronologiques nord-alpins reste par conséquent problématique. Les horizons postérieurs, à partir du Bf 2, posent moins de difficultés dans la mesure où leur définition repose sur un éventail plus large de productions. Toutefois, les horizons du Bf 3 ancien et du 1er Fer 1 ancien soulèvent des problèmes originaux car ils sont mal représentés en Gaule atlantique, mais peuvent être déduits d'ensembles mis au jour ailleurs.
En raison de la rareté des datations radiocarbones fiables pour les objets métalliques de la Gaule atlantique, du fait aussi de l'absence de dendrodates, je n'ai pas eu d'autre choix que de me référer aux chronologies absolues proposées pour d'autres régions - îles Britanniques, mais aussi domaine nord-alpin - afin de situer dans le temps calendaire ma chronologie relative.
J'ai entrepris ensuite de cartographier les dépôts et d'établir quelques courbes statistiques en m'appuyant sur la chronologie plus fine proposée. Cela m'a conduit dans un premier temps à rassembler une documentation très dispersée sur tous les dépôts métalliques découverts en Gaule atlantique : ils sont près de 400, et fournissent des objets dont plus d'une dizaine de milliers sont conservés ou connus par des illustrations.
On retiendra que l'idée neuve selon laquelle les dépôts terrestres ne fossilisent que très partiellement l'évolution typo-chronologique du mobilier, non seulement d'une région à une autre, mais aussi à l'échelle de toute la Gaule atlantique, est une réalité. Les hiatus les plus importants sont observés au Bf 3 ancien et au 1er Fer 1 ancien, c'est-à-dire durant la seconde moitié du Xe et au VIIIe s. av. J.-C. Le début du Bronze final correspond aussi, mais dans une mesure bien moindre, à une contraction de la documentation. Paradoxalement, la mise en évidence de ces horizons « fantômes » aurait été impossible par le seul recours aux approches quantitatives et à la méthode classique de la sériation des ensembles clos.
Si j'ai pu obtenir ces résultats, c'est en procédant régulièrement à des comparaisons avec les données issues des autres provinces atlantiques. J'ai pris ainsi la mesure de la désynchronisation des rythmes de constitution des dépôts dans le domaine atlantique, et j'ai pu m'apercevoir que tel horizon typo-chronologique, richement documenté en Gaule atlantique, était médiocrement ou pas du tout attesté ailleurs, et vice-et-versa.
Pour conclure, seule l'échelle d'observation internationale est à même de livrer les clefs de toute la chronologie de l'âge du Bronze final et du début de l'âge du Fer atlantiques, et de mettre en valeur les horizons pour lesquels la Gaule atlantique n'a pas ou peu fourni de dépôts. Il faudra tenir compte de ces aspects dans la perspective de dresser une histoire des cultures matérielles propres aux élites.
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Dans le sillage de la thèse de J. Briard (Les dépôts bretons et l'âge du Bronze atlantique) et afin de contribuer à une meilleure connaissance de la place du domaine culturel atlantique à une époque cruciale de la Protohistoire des sociétés de l'Europe tempérée, c'est-à-dire à l'âge du Bronze final et au début du premier âge du Fer, j'ai entrepris d'établir une chronologie relative et absolue précise pour le mobilier métallique trouvé en Gaule atlantique, étant entendu que ce dernier constitue, par son abondance et sa diversité le corpus archéologique de loin le plus riche. Le but poursuivi à terme étant de mieux cerner, parmi ces produits métalliques, l'histoire de ceux qui distinguaient les élites, un groupe social dont l'étude est à même de livrer des clefs de lecture fondamentale pour comprendre l'histoire de l'ensemble des cultures atlantiques.
Photo Musée Dobrée, Conseil général de Loire-Atlantique
Il s'agissait non seulement de mieux connaître, et situer dans le temps l'évolution des objets atlantiques, mais surtout de cerner les dynamiques de constitution des ensembles auxquels la majorité de ces pièces appartiennent : les dépôts métalliques non funéraires. Avant toute interprétation, une préoccupation fondamentale pour l'historien et l'archéologue est en effet d'évaluer la représentativité du corpus étudiable, et d'identifier les fluctuations documentaires, particulièrement les horizons de hiatus ou de forte contraction qui formeraient autant d'écueils à l'interprétation. Jusqu'à présent, les dépôts métalliques de la Gaule atlantique ont été considérés implicitement comme formant une séquence chronologique continue, avec une augmentation graduelle des dépôts et du nombre de pièces qu'ils contenaient. L'histoire typo-chronologique des objets serait donc représentée dans son entier, si bien que les discontinuités observées au passage d'une étape à une autre seraient principalement attribuables à de profonds changements techniques, morphologiques et stylistiques. Ces changements supposés ont donné lieu à des interprétations, généralement en termes de profondes mutations socio-économiques, ou de diffusion d'influences venues de l'extérieur, essentiellement du domaine nord-alpin. Ces postulats, rarement formulés comme tels, n'ont jamais été véritablement discutés.
Dans la mesure où les chronologies relatives actuelles de l'âge du Bronze final et du début de l'âge du Fer atlantiques reposent sur des strates complexes de travaux dont les fondements remontent au début des années 1960, j'ai retracé dans un premier temps l'histoire des recherches, ne serait-ce que pour souligner que les systèmes chronologiques développés par les chercheurs britanniques et allemands, contrairement à ce que suggèrent nombre de travaux, ne trouvent pas une concordance parfaite avec la chronologie relative qui fut initiée en France par Jacques Briard. Des malentendus persistent, spécialement pour le début de l'âge du Bronze final.
Je me suis appuyé ensuite sur les productions parmi les plus répandues dans les dépôts métalliques, et les plus sensibles à l'évolution du temps pour proposer une chronologie affinée. Ce sont essentiellement les armes, spécialement les épées et leur bouterolle de fourreau, mais aussi les pointes de lance, qui m'ont fourni cette matière de qualité. La chronologie des dépôts que je propose compte quatre étapes, subdivisées en huit horizons, soit six pour l'âge du Bronze final et deux pour le début de l'âge du Fer.
Les deux horizons du Bf 1 restent difficiles à cerner car les dépôts sont globalement peu diversifiés et assez mal connus. Leur corrélation avec la chronologie des dépôts britanniques, et surtout avec les horizons typo-chronologiques nord-alpins reste par conséquent problématique. Les horizons postérieurs, à partir du Bf 2, posent moins de difficultés dans la mesure où leur définition repose sur un éventail plus large de productions. Toutefois, les horizons du Bf 3 ancien et du 1er Fer 1 ancien soulèvent des problèmes originaux car ils sont mal représentés en Gaule atlantique, mais peuvent être déduits d'ensembles mis au jour ailleurs.
En raison de la rareté des datations radiocarbones fiables pour les objets métalliques de la Gaule atlantique, du fait aussi de l'absence de dendrodates, je n'ai pas eu d'autre choix que de me référer aux chronologies absolues proposées pour d'autres régions - îles Britanniques, mais aussi domaine nord-alpin - afin de situer dans le temps calendaire ma chronologie relative.
J'ai entrepris ensuite de cartographier les dépôts et d'établir quelques courbes statistiques en m'appuyant sur la chronologie plus fine proposée. Cela m'a conduit dans un premier temps à rassembler une documentation très dispersée sur tous les dépôts métalliques découverts en Gaule atlantique : ils sont près de 400, et fournissent des objets dont plus d'une dizaine de milliers sont conservés ou connus par des illustrations.
On retiendra que l'idée neuve selon laquelle les dépôts terrestres ne fossilisent que très partiellement l'évolution typo-chronologique du mobilier, non seulement d'une région à une autre, mais aussi à l'échelle de toute la Gaule atlantique, est une réalité. Les hiatus les plus importants sont observés au Bf 3 ancien et au 1er Fer 1 ancien, c'est-à-dire durant la seconde moitié du Xe et au VIIIe s. av. J.-C. Le début du Bronze final correspond aussi, mais dans une mesure bien moindre, à une contraction de la documentation. Paradoxalement, la mise en évidence de ces horizons « fantômes » aurait été impossible par le seul recours aux approches quantitatives et à la méthode classique de la sériation des ensembles clos.
Si j'ai pu obtenir ces résultats, c'est en procédant régulièrement à des comparaisons avec les données issues des autres provinces atlantiques. J'ai pris ainsi la mesure de la désynchronisation des rythmes de constitution des dépôts dans le domaine atlantique, et j'ai pu m'apercevoir que tel horizon typo-chronologique, richement documenté en Gaule atlantique, était médiocrement ou pas du tout attesté ailleurs, et vice-et-versa.
Pour conclure, seule l'échelle d'observation internationale est à même de livrer les clefs de toute la chronologie de l'âge du Bronze final et du début de l'âge du Fer atlantiques, et de mettre en valeur les horizons pour lesquels la Gaule atlantique n'a pas ou peu fourni de dépôts. Il faudra tenir compte de ces aspects dans la perspective de dresser une histoire des cultures matérielles propres aux élites.
Vous pouvez télécharger le résumé de cette HDR sous format pdf.