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Recherches au Grand Abri aux Puces
Recherches au Grand Abri aux Puces (Vaucluse) : Installation de chasseurs moustériens en contexte tempéré dans les gorges de l'Ouveze
Mots-clés
Halte de chasse, Eémien
Responsables
Ludovic SLIMAK (Université de Toulouse - Le Mirail, UMR 5608 TRACES)
Participants et membres de l'équipe scientifique
Pierre ANDRE (étudiant EHESS), Julia CHZRZAVEZ (doctorante, UMR 6130 CEPAM) Evelyne CREGUT-BONNOURE (UMR 5608 TRACES), Yves GIRAUD (UMR 6636 LAMPEA), Marcel JEANNET (UMR 6636 LAMPEA), Jason E. LEWIS (doctorant STANFORD University, Cal. USA), Frederic MAGNIN (UMR 6616 IMEP), Laure METZ (doctorante UMR 6636 LAMPEA), Vincent OLLIVIER (UMR 6636 LAMPEA).
Financement et support logistique
SRA PACA, Service Départemental de l'Archéologie Vaucluse
Le recherches établies au Grand Abri aux Puces, dans le Vaucluse ont été amorcées en 2008 par deux campagnes de sondages ayant révélé l'existence dans cette cavité d'un ensemble moustérien datant du dernier inter-glaciaire Eémien (circa 120.000 ans) dont la préservation peut être considérée comme exceptionnelle. Le Grand abri aux puces était anciennement connu pour avoir livré une petite industrie moustérienne, associée à une faune pléistocène comprenant une trentaine de restes osseux et dentaires appartenant à neuf grands mammifères et un reptile. La faune récoltée en surface par S. Gagnière se trouvait conservée au Muséum d'Histoire naturelle d'Avignon.
En dehors de ces quelques ramassages de surface, rien n'était connu de la stratigraphie exacte de ce site ni de son potentiel réel de préservation. C'est en fin des années 1870 qu'Hector Nicolas, alors Ingénieur aux Ponts et Chaussées - Avignon, découvre le site. La seule information disponible se résumait préalablement à un dessin provenant de la thèse d'Henri de Lumley (1965,).
Le Grand Abri aux Puces, aussi nommé Grotte Basse par Sylvain Gagnière correspond en fait à une vaste cavité dont la voûte couvre actuellement une surface de plus de 110 m2. La cavité est comblée par une importante sédimentation exclusivement pléistocène et une accumulation de blocs de molasse provenant de l'encaissant local (Figure 1).
L'espace compris entre le plafond de la cavité et le sédiment est rarement supérieur à 1 mètre et dans l'essentiel de la cavité la circulation n'était possible qu'en rampant. Ce comblement presque complet de la grotte explique en grande partie l'absence d'enregistrements sédimentaires plus récents, du Pléistocène supérieur et de l'Holocène (infra).
Figure 1. Etat de la cavité avant les opérations archéologiques lors d'une visite en janvier 2008
On accède à cette vaste salle donnant sur le sud-est en glissant sur une dalle couvrant de manière apparemment continue les 10 mètres de son ouverture. A son entrée, l'espace entre cette dalle et le plafond de la cavité ne dépasse jamais 80 cm, rendant cette cavité actuellement peu visible de l'extérieur.
Nous avons atteint et fouillé dans la cavité un ensemble pléistocène livrant en abondance des éléments paléontologiques in situ et d'une qualité de conservation peu commune (Figure 2). Sur le terrain, des associations paléontologiques indicatrices d'un climat tempéré/chaud sont rapidement mises en évidence ; tortue de Hermann, chevreuil, sanglier... Un total de Vingt-trois espèces a été déterminé.
Ces éléments sont en association stratigraphique avec une industrie lithique qui, pour l'essentiel, est elle même préservée de toute altération mécanique ou chimique discernable. Quelques pièces montrent un léger voile blanc se développant discrètement sur leurs arêtes. Les opérations 2008 ont livré 180 pièces lithiques, collection où les produits finis d'une grande qualité technique paraissent immédiatement surreprésentés. Cette très forte proportion des outillages est à mettre directement en relation avec le statut de l'installation et celui des activités développées dans cette cavité par les préhistoriques. Les premiers tests tracéologiques (travaux de Laure Metz, doctorante UMR 5608) macro et microscopiques montrent une très bonne préservation des surfaces, contexte peu commun pour des ensembles du Paléolithique moyen.
La préservation des restes palé ontologiques et du mobilier lithique est ici à mettre en parallèle avec la dynamique sédimentaire du remplissage de la cavité. Les sédiments sont essentiellement composés de sables issus de la desquamation naturelle et progressive de la voûte de la cavité. Ces sables (d'anciens fonds marins miocènes) montrent une excellente aptitude à la fossilisation des éléments qu'ils renferment. Le second point taphonomique porte sur l'absence de passage d'eau ou d'humidité dans la cavité qui constitue en son centre un environnement sec.
Les données préliminaires de ces recherches illustrent une convergence frappante. Les informations issues de la paléontologie, les résultats de la micropaléontologie, de la malacologie et de l'anthracologie resituent cette occupation humaine sans ambiguïté dans une phase climatique tempérée.
Figure 2. Préservation et densité des éléments paléontologiques in situ.
Différents caractères biométriques provenant de l'analyse des faunes convergent pour localiser cette installation préalablement à la dernière phase glaciaire, dans le stade isotopique 5, lato sensu. Dans le détail, plusieurs positions chronologiques semblent se profiler, et devront préciser la chronologie du niveau principal, soit au tout début de l'Eémien, soit au contraire dans une phase un peu plus avancée, ce que tendrait à montrer dans chacune de ces disciplines la présence de quelques taxons plus frais. L'age minimal de cette installation se situe donc aux alentours du 100ème millénaire et son age maximal vers le 120ème.
La qualité de préservation de ces enregistrements peut être considérée comme exceptionnelle. Ainsi les charbons de grand module et conservant encore la forme de petites branchettes avec moelle et écorce, ou concernant l'industrie dont une large part à conservé sa fraîcheur originelle, tout autant que la préservation des émoussés microscopiques liés à leur utilisation par les préhistoriques. Si les séries archéologiques Eémiennes restent rares en Europe, les ensembles de cet âge illustrant une telle intégrité ne sont parvenus jusqu'à nous dans cet état que de manière exceptionnelle.
Du point de vue écologique, la richesse du matériel en fait un ensemble de référence. Vingt-trois espèces ont été déterminées dans les faunes, autant concernant les microfaunes, vingt-sept espèces malacologiques, abondance des charbons... A ce constat, certaines espèces très mal connues pour cette période sont ici bien attestées. L'espèce la mieux représentée en nombre d'individus est ici le castor, qui constitue d'ores et déjà une base de référence importante pour l'espèce. Castor et Lynx portent l'essentiel des traces de découpe mises en évidence. Ces stries sont localisées sur des zones peu carnées suggérant que l'action humaine soit reliée à la procuration des peaux de ces animaux.
Ces éléments corrélés à la structure du mobilier lithique, essentiellement composé d'outils de premier choix et l'origine éparpillée dans l'espace des roches, laissent entrevoir le passage ponctuel d'un groupe de chasseurs dans la cavité autour d'une activité programmée -anticipée- et ponctuelle dans le temps, toutes hypothèses à tester et préciser. L'opération triennale (2009-2011) en cours nous permettra de mieux appréhender cet ensemble ainsi que la stratigraphie de la cavité dont les potentialités n'ont été qu'effleurées.
Mots-clés
Halte de chasse, Eémien
Responsables
Ludovic SLIMAK (Université de Toulouse - Le Mirail, UMR 5608 TRACES)
Participants et membres de l'équipe scientifique
Pierre ANDRE (étudiant EHESS), Julia CHZRZAVEZ (doctorante, UMR 6130 CEPAM) Evelyne CREGUT-BONNOURE (UMR 5608 TRACES), Yves GIRAUD (UMR 6636 LAMPEA), Marcel JEANNET (UMR 6636 LAMPEA), Jason E. LEWIS (doctorant STANFORD University, Cal. USA), Frederic MAGNIN (UMR 6616 IMEP), Laure METZ (doctorante UMR 6636 LAMPEA), Vincent OLLIVIER (UMR 6636 LAMPEA).
Financement et support logistique
SRA PACA, Service Départemental de l'Archéologie Vaucluse
Le recherches établies au Grand Abri aux Puces, dans le Vaucluse ont été amorcées en 2008 par deux campagnes de sondages ayant révélé l'existence dans cette cavité d'un ensemble moustérien datant du dernier inter-glaciaire Eémien (circa 120.000 ans) dont la préservation peut être considérée comme exceptionnelle. Le Grand abri aux puces était anciennement connu pour avoir livré une petite industrie moustérienne, associée à une faune pléistocène comprenant une trentaine de restes osseux et dentaires appartenant à neuf grands mammifères et un reptile. La faune récoltée en surface par S. Gagnière se trouvait conservée au Muséum d'Histoire naturelle d'Avignon.
En dehors de ces quelques ramassages de surface, rien n'était connu de la stratigraphie exacte de ce site ni de son potentiel réel de préservation. C'est en fin des années 1870 qu'Hector Nicolas, alors Ingénieur aux Ponts et Chaussées - Avignon, découvre le site. La seule information disponible se résumait préalablement à un dessin provenant de la thèse d'Henri de Lumley (1965,).
Le Grand Abri aux Puces, aussi nommé Grotte Basse par Sylvain Gagnière correspond en fait à une vaste cavité dont la voûte couvre actuellement une surface de plus de 110 m2. La cavité est comblée par une importante sédimentation exclusivement pléistocène et une accumulation de blocs de molasse provenant de l'encaissant local (Figure 1).
L'espace compris entre le plafond de la cavité et le sédiment est rarement supérieur à 1 mètre et dans l'essentiel de la cavité la circulation n'était possible qu'en rampant. Ce comblement presque complet de la grotte explique en grande partie l'absence d'enregistrements sédimentaires plus récents, du Pléistocène supérieur et de l'Holocène (infra).
On accède à cette vaste salle donnant sur le sud-est en glissant sur une dalle couvrant de manière apparemment continue les 10 mètres de son ouverture. A son entrée, l'espace entre cette dalle et le plafond de la cavité ne dépasse jamais 80 cm, rendant cette cavité actuellement peu visible de l'extérieur.
Nous avons atteint et fouillé dans la cavité un ensemble pléistocène livrant en abondance des éléments paléontologiques in situ et d'une qualité de conservation peu commune (Figure 2). Sur le terrain, des associations paléontologiques indicatrices d'un climat tempéré/chaud sont rapidement mises en évidence ; tortue de Hermann, chevreuil, sanglier... Un total de Vingt-trois espèces a été déterminé.
Ces éléments sont en association stratigraphique avec une industrie lithique qui, pour l'essentiel, est elle même préservée de toute altération mécanique ou chimique discernable. Quelques pièces montrent un léger voile blanc se développant discrètement sur leurs arêtes. Les opérations 2008 ont livré 180 pièces lithiques, collection où les produits finis d'une grande qualité technique paraissent immédiatement surreprésentés. Cette très forte proportion des outillages est à mettre directement en relation avec le statut de l'installation et celui des activités développées dans cette cavité par les préhistoriques. Les premiers tests tracéologiques (travaux de Laure Metz, doctorante UMR 5608) macro et microscopiques montrent une très bonne préservation des surfaces, contexte peu commun pour des ensembles du Paléolithique moyen.
La préservation des restes palé ontologiques et du mobilier lithique est ici à mettre en parallèle avec la dynamique sédimentaire du remplissage de la cavité. Les sédiments sont essentiellement composés de sables issus de la desquamation naturelle et progressive de la voûte de la cavité. Ces sables (d'anciens fonds marins miocènes) montrent une excellente aptitude à la fossilisation des éléments qu'ils renferment. Le second point taphonomique porte sur l'absence de passage d'eau ou d'humidité dans la cavité qui constitue en son centre un environnement sec.
Les données préliminaires de ces recherches illustrent une convergence frappante. Les informations issues de la paléontologie, les résultats de la micropaléontologie, de la malacologie et de l'anthracologie resituent cette occupation humaine sans ambiguïté dans une phase climatique tempérée.
Figure 2. Préservation et densité des éléments paléontologiques in situ.
Différents caractères biométriques provenant de l'analyse des faunes convergent pour localiser cette installation préalablement à la dernière phase glaciaire, dans le stade isotopique 5, lato sensu. Dans le détail, plusieurs positions chronologiques semblent se profiler, et devront préciser la chronologie du niveau principal, soit au tout début de l'Eémien, soit au contraire dans une phase un peu plus avancée, ce que tendrait à montrer dans chacune de ces disciplines la présence de quelques taxons plus frais. L'age minimal de cette installation se situe donc aux alentours du 100ème millénaire et son age maximal vers le 120ème.
La qualité de préservation de ces enregistrements peut être considérée comme exceptionnelle. Ainsi les charbons de grand module et conservant encore la forme de petites branchettes avec moelle et écorce, ou concernant l'industrie dont une large part à conservé sa fraîcheur originelle, tout autant que la préservation des émoussés microscopiques liés à leur utilisation par les préhistoriques. Si les séries archéologiques Eémiennes restent rares en Europe, les ensembles de cet âge illustrant une telle intégrité ne sont parvenus jusqu'à nous dans cet état que de manière exceptionnelle.
Du point de vue écologique, la richesse du matériel en fait un ensemble de référence. Vingt-trois espèces ont été déterminées dans les faunes, autant concernant les microfaunes, vingt-sept espèces malacologiques, abondance des charbons... A ce constat, certaines espèces très mal connues pour cette période sont ici bien attestées. L'espèce la mieux représentée en nombre d'individus est ici le castor, qui constitue d'ores et déjà une base de référence importante pour l'espèce. Castor et Lynx portent l'essentiel des traces de découpe mises en évidence. Ces stries sont localisées sur des zones peu carnées suggérant que l'action humaine soit reliée à la procuration des peaux de ces animaux.
Ces éléments corrélés à la structure du mobilier lithique, essentiellement composé d'outils de premier choix et l'origine éparpillée dans l'espace des roches, laissent entrevoir le passage ponctuel d'un groupe de chasseurs dans la cavité autour d'une activité programmée -anticipée- et ponctuelle dans le temps, toutes hypothèses à tester et préciser. L'opération triennale (2009-2011) en cours nous permettra de mieux appréhender cet ensemble ainsi que la stratigraphie de la cavité dont les potentialités n'ont été qu'effleurées.