Géographie humaine et changements environnementaux du Dernier Maximum glaciaire au Postglaciaire

(coord. C. Renard, J.-M. Pétillon, C. Bourdier, C. Ménard)

 

Circonscrit dans le temps, de 26 à 12 cal ka BP, le thème 3 couvre des thématiques très larges, à l’origine de la richesse et de la diversité des données qui y sont brassées. Il réunit 30 membres de l’équipe dont les travaux s’ancrent principalement sur le territoire ouest-européen mais également en Afrique australe et orientale, permettant de percevoir l’impact des changements globaux du Dernier Maximum glaciaire et du Big Dry à une vaste échelle géographique, dans des environnements très contrastés. Abordés sous le prisme de la géographie culturelle, ces travaux traitent de l’organisation socio-économique des sociétés de chasseurs-collecteurs qui évoluent dans des écosystèmes distincts (montagnes, piémonts et plaines d’une part ; milieux lacustres et maritimes d’autre part) conditionnés par des crises climatiques majeures.

 

1) Le paysage et son influence sur l’occupation des territoires

Les conditions d’accessibilité des sites et de préservation des occupations anthropiques sont étudiées au sein de cet axe, notamment dans le milieu montagnard pyrénéen et son piémont. Ainsi, au Mas d’Azil, l’importante aggradation sédimentaire entre 31 et 24 cal ka BP explique l’absence de dépôts anthropiques et témoigne des événements morpho-sédimentaires ayant conditionné l’accès aux fonds de vallée dans les Pyrénées ; c’est ce que documente aussi la réoccupation de la vallée d’Ossau dès environ 21 cal ka BP. L’influence du paysage sur l’occupation des territoires est aussi abordée sous l’angle de l’acquisition des espèces aquatiques, sur la façade atlantique européenne et nord-africaine ainsi qu’en Afrique orientale : vallée du Rift éthiopien, avec l’analyse de corpus d’ichtyofaune de sites en bordure de lac révélant une économie de prédation centrée sur la pêche entre 12 et 11 cal ka BP ; sites néo-côtiers marocains d’El Mnasra et El Harhoura 2, documentant une modification des espaces habitables liée à l’aridification et à l’éloignement du rivage lors de la phase de forte instabilité climatique entre 12 et 6 cal ka BP.

 

2) Faunes chassées, faunes disponibles

La question de l’organisation techno-économique des groupes humains est ici abordée sous le prisme des faunes chassées et des faunes disponibles. La recomposition des spectres fauniques lors du réchauffement du Tardiglaciaire et la disparition du renne dans le Sud-Ouest sont des axes de recherche privilégiés. Ainsi, au Magdalénien supérieur récent, les différences régionales dans les faunes chassées – importance du cerf dans les Pyrénées et du renne en Dordogne – sont le reflet des biocénoses différentes qui s’y développent.  Au-delà des contraintes physiologiques, la recherche intensive de la moelle pourrait être liée à un statut particulier de cette substance, tandis que la minutie et l’intensité des procédés de boucherie suggèrent une ritualisation de pratiques non exclusivement tournées vers des logiques économiques. Enfin, l’analyse des stries de décharnement révèle que le stockage alimentaire par séchage pourrait avoir été fréquent à la fin du Paléolithique récent.

Figure 1 : Cortèges fauniques d’ensembles du Magdalénien moyen d’une part et de l’Azilien et du Laborien d’autre part (d’après Costamagno et al. 2016, modifié)


3) Rythme et synchronicité des changements techniques, symboliques et environnementaux

De nombreuses études sur les expressions graphiques pariétales et mobilières ont précisé la caractérisation et l’ancrage spatio-temporel de traditions iconographiques régionales dans le Sud-Ouest au Solutréen et au Magdalénien moyen et supérieur. Des travaux focalisés sur la transition Magdalénien-Azilien ont montré des différences de rythmes et de modalités entre équipements et iconographie (permanence de l’imagerie magdalénienne à l’Azilien ancien puis rupture brutale et recomposition complète). Les recherches menées sur la relation entre les humains et les autres animaux dans le Magdalénien moyen pyrénéen, dans une perspective ontologique, témoignent de l’importance du thème des liens entre faune disponible, faune consommée et imagerie animale. Enfin, le réexamen de séquences anciennement fouillées a montré l’absence de mosaïque culturelle vers 23,5-23 cal ka BP et, à l’inverse, une synchronicité des changements techniques à l’aube du Badegoulien, se traduisant par une trajectoire culturelle identique dans les séquences nord-aquitaines et vasco-cantabriques.

 


Figure 2 : Deka Wede, Ethiopie (cliché C. Ménard).


Mise à jour octobre 2019