Carcassonne "Les jardins de Grèzes"


Responsable
Jean-Jacques Grizeaud

Institutions partenaires et origine des financements éventuels
INRAP, TRACES

Collaborateurs
L. Benquet
M. Passelac

Localisation
 
L’emprise de la fouille s’inscrit dans un projet de lotissement localisé à l’ouest de l’agglomération de Carcassonne, à environ 6 km du cœur de la Bastide. Le terrain est délimité au nord par un chemin qui relie La Métairie de Roux, à la route départementale D.119, dite Route de Montréal. Au sud, les terrains sont bordés par le ruisseau du Régal, petit affluent de l’Aude. Ce secteur du territoire communal au sud du hameau de Grèzes, connaît une extension de son urbanisation avec l’implantation de lotissements gagnant sur des terres agricoles occupées dans le cas présent par de la vigne. Cette progression s’étend d’est en ouest depuis la réalisation du premier lotissement en 2004. Les parcelles concernées ont pu faire l’objet pour l’essentiel d’une expertise archéologique, préalablement à ces constructions.

Principaux résultats

Occupation du second âge du Fer sur le site de Roux-Les-Grèzes commune de Carcassonne dont les traces avaient été relevées lors du diagnostic archéologique réalisé par l’INRAP durant l’hiver 2010 (A. Tolédo-I-Mur, 2011). La fouille réalisée durant l’été 2011 a permis de mettre au jour un établissement rural implanté sur un dôme graveleux (terrasse) en bordure d’un ruisseau au tracé sinueux et actif à l’époque gauloise. Au moins deux états d’occupation ont été distingués à la fouille regroupant 32 structures en creux.
 
La première phase se distingue essentiellement par la présence de plusieurs fosses ayant servies au stockage de denrées alimentaires. L’une d’entre-elle présente les caractéristiques structurelles d’un silo. Ces fosses sont accompagnées de creusements de proportions plus imposantes que nous avons interprété comme des fosses d’extractions et des citernes destinées à stocker l’eau. Plusieurs fossés linéaires aménagés en bas de pente dans l’axe d’un ancien chenal du ruisseau et en bordure septentrional de celui-ci, semblent avoir eu pour fonction d’assainir cette zone humide et de barrer les débordements éventuels des crues du ruisseau. La seconde phase d’occupation est caractérisée par l’implantation d’un enclos fossoyé englobant les vestiges du premier état. L’enceinte est de plan quadrilatéral d’environ 75 m de côtés en forme de U, ouvert vers le sud, CAD le ruisseau.
 
Dans l’ensemble le site est très érodé et le mobilier archéologique est rare. Celui-ci se compose pour l’essentiel de céramiques regroupant des récipients de tradition indigène (écuelles, jattes, jarres et pots), ainsi que des importations d’origines italiques comme les amphores vinaires de type Dr.1.A et la Campanienne A. Ce matériel appartient quasi exclusivement à la première phase d’occupation du site. L’assemblage du mobilier céramique indique une datation du dernier tiers du IIe s. av. n. è. Le site de Grèzes n’a pas ou peu révélé de traces de bâtiments. Une seule construction à quatre poteaux encrés dans le substrat molassique est attestée et pourrait être associée à la présence d’un grenier. 
Les fossés de l’enclos pour les parties fouillés n’ont pas révélés d’indicateurs chronologiques fiables. Les fossés semblent avoir été comblés assez rapidement après leur ouverture et aucun dépôt anthropisé n’a été observé dans les coupes stratigraphiques. Seul indice pertinent, la présence de fragments de tuiles à rebord et des fragments d’amphores observés ponctuellement dans la partie supérieure des fossés.

Le site de Grèzes est occupé aux époques protohistoriques antérieures, comme l’indique la présence d’une céramique datée notamment du Bronze final recueilli dans les recouvrements limoneux du chenal. Présence mieux caractérisée sur la parcelle voisine à l’est, expertisée par T. Wibaut (INRAP 2006) et fouillée par A. Gaillard (ACTER 2009). Le site est également occupé au Bas-Empire.


 
Perspectives

Le rapport de fouille est en cours de réalisation.

La forme et l’emprise de l’enclos est conforme aux ensembles fossoyés identifiés dans la région et plus généralement pour le reste de la Gaule. Dans ces cas précis, le contexte d’enclos à vocation cultuel est à rejeter au profit d’établissements englobant une ou plusieurs unités d’habitations, dont l’agriculture est la principale activité reconnue. Jules César au milieu du Ier s. av. J.-C., emploi le terme aedificium, pour désigner les habitats isolés présents en territoire Helvète, au moment où ces derniers préparent leur migration (La guerre des Gaules, (livre I, V, 2). Cette appellation opposée à vicus et oppidum (Vicus désignant le quartier d’une ville, un bourg ou un village ; Oppidum étant le terme latin regroupant les villes ou places fortifiées chez les Celtes) est utilisée dans ses commentaires du Bello Gallico dans de multiples sens - bâtiment ou ferme isolée, construction modeste, grange - sans qu'il soit possible d'établir un lien direct entre ses descriptions et les formes d’habitats du deuxième âge du Fer que les archéologues sont amenés aujourd’hui à découvrir régulièrement.
 
Désigné aujourd’hui, dans l’usage courant, sous les termes génériques d’établissement rural, cet habitat enclos, généralement de forme quadrilatérale préfigure certainement les grandes villae gallo-romaines dont le schéma n’est guère éloigné de certaines de nos grandes exploitations agricoles du siècle passé. Néanmoins, deux facteurs déterminant vont dès lors faire progresser la recherche archéologique. En premier lieu, la fouille extensive, réalisée parfois sur plusieurs hectares de superficie, soit à l’occasion des grands travaux comme les tracés linéaires (autoroutiers ou lignes TGV), soit en amont de l’exploitation des carrières pour l’extraction des dépôts alluvionnaires ou des ZAC . En second lieu, l’utilisation de la photographie pour la prospection aérienne. Cette dernière méthode permet le repérage et l’identification de nombreux sites archéologiques, à travers leurs traces notamment les fossés ou les creusements conséquents qui peuvent apparaître de manière éphémère dans certaines circonstances climatiques extrêmes, et en particulier sur des sols cultivés (Grizeaud, 2001). Pour autant, dès les années 1970, l'appellation « ferme indigène » est employée par les chercheurs dans le nord de la France pour nommer un type d’habitat d’époque gauloise, délimité par des fossés retrouvés régulièrement en fouilles, et semblant correspondre à ces aedificia dont parle César.

Des comparaisons à l’échelle locale mais également interrégionales permettent déjà de mettre en avant une grande similitude de la typologie des vases de tradition indigène, avec les ensembles trouvés sur les sites du carcassonnais, Bram, Castelnaudary, dans l’Aude, mais également avec les ensembles fouillés ces dernières années sur les sites du second âge du Fer de la région toulousaine (quartier Saint-Roch à Toulouse, Vieille-Toulouse, Blagnac) et plus généralement de la région Midi-Pyrénées (l’Alba à Castres, La Plaine à Puylaurens dans le Tarn, Varen dans le Tarn-et-Garonne. Plusieurs problématiques seront développées dans le cadre de l’étude du site de Grèzes. Sa localisation dans ce paysage protohistorique et Antique avec les vestiges connus dans le voisinage à travers les fouilles et les prospections seront effectués. La pérennisation de l’habitat daté de La Tène finale, à l’Antiquité devra être précisée. L’analyse des réseaux parcellaires de l’époque gauloise et gallo-romaines éventuels, détectés dans ce secteur sera effectué. Le stockage des denrées alimentaires en silo, fréquent dans ce secteur de l’ouest audois et relativement rare sur les sites du toulousain.

Pour ma part, des questions comme la présence de tuiles à rebords présentes dans la seconde phase d’occupation datée pour l’heure du milieu du Ier s. av. n. è, seront abordées. En effet, il n’est pas rare de trouver ces éléments architecturaux en terre cuite sur les établissements ruraux de la fin du second âge du Fer. Rejeté dans un premier temps par les protohistoriens qui considéraient ces matériaux comme intrusif et hors contexte, il me semble qu’il faille reconsidérer la présence de ces tuiles comme appartenant bien à un moment (le plus récent) de l’occupation des sites à enclos. Leur utilisation est-elle liée aux constructions (maisons d’habitation) ? Quoiqu’il en soit, une enquête sera effectuée avec l’aide de M. Passelac, pour connaître les contextes et l’étendue de ces matériaux rencontrés sur certains établissements ruraux de l’époque gauloise. L’emploi de ces éléments architecturaux au sein des établissements, représente à mon avis, un des marqueurs de la transition entre la protohistoire récente et l’Antiquité, dans ce contexte d’habitat et de l’occupation des campagnes.


Annexe bibliographique

2009 - GAILLARD (A.). — Lotissement « Le Plateau de Grèzes ». Rapport de fouille archéologique préventive ACTER, Carcassonne (Aude), 2009, 114 p.
2000 - GRIZEAUD (J.-J.) —   Etablissements ruraux du Second Age du Fer chez les sénons, et l'apport de la prospection aérienne. In : Colloque du P.C.R. les installations agricoles à l'Age du Fer en France septentrionale, 29 et 30 novembre 1997. Presses de l'E.N.S.  p.103-113, Janvier 2000.
2002 - GRIZEAUD (J.-J.) —   Les établissements ruraux du second âge du Fer en territoire sénon et l'apport de la prospection aérienne. Mémoire de Maîtrise sous la direction de P. Thollard et T. Janin, Université P. Valéry, Montpellier III, 2002, 2 vol.
2004 - GRIZEAUD (J.-J.) —   L’habitat gaulois dans l’Yonne et l'apport de la prospection aérienne. In : Archéologie aérienne dans l’Yonne, le passé recomposé sous la dir. de L. Baray. p.93-102.  Ed. Alan Sutton 2004.
2011 - TOLEDO I MUR (A.). — Les Jardins de Grèzes. Rapport de diagnostic archéologique INRAP Languedoc - Roussillon, Carcassonne (Aude), 2011, 40 p.
2006 - WIBAUT (T.). — Hameau de Grèzes, La Métairie à Carcassonne (Aude). Rapport de diagnostic archéologique INRAP Languedoc - Roussillon, Carcassonne (Aude), 2006, 52 p.