Un modèle d'exploitation minière à L’époque romaine : Le district Miner de Linares-La Carolina (Sierra Morena, Jaen, Espagne).

Luis ARBOLEDAS MARTÍNEZ
Post-Doctorant du Ministère de Science et Innovation (Espagne) - TRACES, UMR 5608 CNRS-Université de Toulouse 2-Le Mirail. arboledas@ugr.es

Le district de Linares-La Carolina est situé dans la province de Jaén (Andalousie), et plus concrètement, dans la moitié nord et nord-est de celle-ci. Il occupe ainsi les contreforts les plus orientaux de la Sierra Morena. Du point de vue de la géologie, la région constitue la bordure sud du massif hespérique, un domaine lithologique où dominent les matériaux de caractère métamorphique, originaires de l'orogénèse hercynienne ou varisca (ardoises et quartzites), avec de grands affleurements de granite (batholites). Ces terrains anciens renferment de nombreuses fractures minéralisées qui forment des réseaux filoniens très denses où abondent les minerais en cuivre (carbonates, oxydes et sulfures) et la galène argentifère.

L'exploitation de ces gisements débute à la Préhistoire récente, avec l'extraction du cuivre, ce qu'attestent les restes de mines et d'habitats des âges du Cuivre et du Bronze trouvés dans le bassin du Rumblar. Si elle se poursuit à l'époque ibérique et à l'époque de la domination punique, c'est avec l'arrivée des Romains, à la fin du IIIe siècle av. J.-C. dans le contexte de la deuxième guerre Punique, que l'exploitation des mines de ce district s'intensifiera pour atteindre son développement maximal entre la fin du IIe siècle av. J.-C. et le début du IIe siècle ap. J.-C. À partir de ce moment, elle entre en déclin, en raison, sans doute, de la concurrence d'autres foyers miniers beaucoup plus rentables, la ceinture pyritique du Sud-Ouest ibérique tout particulièrement.

Chantier_vertical_de_la_mine_"El_Macho" Malgré la reprise de l'activité minière à partir du XIXe siècle, de très nombreux sites d'extraction d'époque romaine sont encore accessibles dans tout le district ; parmi les sites les plus importants et connus aujourd'hui, on citera ceux d'El Centenillo (Baños de la Encina) (fig.1, ci-contre), Arrayanes (Linares) et de Las Torrecillas (La Carolina), etc. (Contreras et al., 2004). D'une manière générale, les filons de cette région ont été exploités à ciel ouvert (rafas, ou chantiers verticaux) ; dans quelques cas, l'extraction s'est poursuivie à grande profondeur par un système de puits et de galeries, comme au Centenillo et à Los Escoriales. Dans toutes ces mines, les Romains ont exploité, outre le cuivre, les sulfures de plomb (galène argentifère) qui étaient traités dans les fonderies situées le plus souvent dans les environs des mines elles-mêmes ; ainsi, par exemple la mine de Arrayanes et les fonderies du Cerro de las Mancebas, Paño Pico et Los Tercios (Linares) (Arboledas, 2007).

Banos_de_la_Encina_enceinte_fortifiée Du point de vue de l'occupation du territoire, il semble que à l'apogée de l'exploitation le peuplement était structuré autour des sites miniers et métallurgiques, certains fortifiés, comme ceux de Los Palazuelos (Vilches), Los Castellones (La Carolina) ou Salas de Galiarda (Baños de la Encina) (fig.2, ci-contre). Ils contrôlaient autant les exploitations que les voies de passage (Cástulo-Sisapo et Cástulo-Turres) qui les mettaient en communication avec les principaux centres urbains du district ; une présence militaire dans certains de ces sites n'est pas écartée. De petits fortins dans le bassin du Rumblar et du Jándula participent à ce quadrillage du district minier (Arboledas, 2007).





À l'époque républicaine, les mines du Haut Guadalquivir font partie de l'ager publicus. Elles sont exploitées soit par des particuliers, organisés parfois en petites sociétés formées d'au moins deux personnes (ainsi la société composée par T. Iuventius et M. Lucretius), et par de grandes sociétés, comme la Societas Castulonensis, comme le montrent les inscriptions des lingots et les tessères de plomb (fig.3, ci-dessous).
Lingots_de_Plomb Les uns et les autres étaient locataires du domaine public. La main-d'œuvre reste quant à elle mal connue ; travailleurs libres (mercenarii), d'origine locale, et esclaves ont dû cohabiter sur tous ces sites (Arboledas, 2008 ; 2009). Au début de l'époque impériale, les mines de ce district font désormais partie de la province d'Hispanie Citérieure (Tarraconaise), et sont, par conséquent, contrôlées directement par l'Empereur, par le biais d'un procurator metallorum. L'un d'eux a bien pu être M. Ulpius Hermeros. Celui-ci louait les mines, lors d'enchères publiques, aux adjudicataires particuliers (coloni ou occupatores) qui se chargeraient de leur exploitation avec leurs propres travailleurs (des salariés - mercenari), des esclaves, ou des condamnés à travailler dans la mine (damnati ad metalla) dans les conditions techniques et fiscales imposées par le fiscus. Ainsi, Paternus, l'Orgénomescque et Fraternus, originaire de Clunia, pourraient être deux de ces coloni. Le contrôle croissant exercé par l'État sur les territoires miniers au cours du Ier siècle ap. J.-C. ne signifie pas pour autant la disparition immédiate des sociétés de type républicain (Arboledas, 2008 ; 2009).

En ce qui concerne l'habitat, à partir de la fin du Ier siècle ap. J.-C., on observe une transformation du modèle d'habitat par rapport à la période antérieure, avec l'apparition de nombreuses installations rurales ex-novo et de villae. On assiste au même moment à la disparition des habitats miniers fortifiés qui coïncide avec la décadence de l'activité minière et la naissance d'une nouvelle économie, basée sur l'agriculture (Arboledas, sous presse).

Enfin, au Bas Empire, si l'exploitation perdure, ce n'est pas partout, et ce n'est ni avec la même intensité ni avec le même rendement qu'aux périodes antérieures. Les mines restent cependant mal connues, de même que leur statut. On observe cependant une prolifération des villae, signe le plus parlant du déclin de l'activité minière à la fin de l'Antiquité (Arboledas, 2007).

Bibliographie

ARBOLEDAS MARTÍNEZ, L. (2007): La minería y metalurgia romana en el Alto Guadalquivir: Aproximación desde el registro arqueológico y las fuentes clásicas. Tesis doctoral inédita de la Universidad de Granada, Granada.

ARBOLEDAS MARTÍNEZ, L. (2008): Aspectos sociales y fiscales en las minas romanas del Alto Guadalquivir, Revista Pyrenae, n. 39-2, Barcelona, pp. 71-99.

ARBOLEDAS MARTÍNEZ, L. (2009): La epigrafía minera romana del distrito de Linares-La Carolina, Anales de Arqueología Cordobesa, n. 20, Córdoba, pp. 269-290.

ARBOLEDAS MARTÍNEZ, L. (sous presse): La explotación masiva de los recursos mineros de Sierra Morena oriental: la minería iberorromana, en Fr. Contreras y J. Dueñas (Dirs.): La minería y la metalurgia en el Alto Guadalquivir: desde sus orígenes hasta nuestros días, Instituto de Estudios Giennenses, Jaén.

CONTRERAS, F., DUEÑAS, J., JARAMILLO, A., MORENO, A., ARBOLEDAS, L.,
CAMPOS, D., GARCÍA, J. A. y PÉREZ, A. (2005): Prospección arqueometalúrgica en la cuenca alta del río Rumblar, Anuario Arqueológico de Andalucía, 2002. Vol. II. Actividades Sistemáticas, Sevilla, pp. 22-36.