Production et commerce des métaux à l’époque romaine. Questions de provenances

  • Responsables
Claude Domergue, Christian Rico

  • Institutions partenaires
- Département d'archéologie sous-marine et subaquatique (DRASSM) (Marseille)
- LMTG, Université Paul-Sabatier, Toulouse
- Institut für Archäologische Wissenschaften, Abt. Archäologie und Geschichte der römischen Provinzen sowie Hilfswissenschaften der Altertumskunde, J.W. Goethe Universität Frankfurt (Allemagne)
- Institut für Geowissenschaften, Facheinheit Mineralogie-Petrologie und Geochimie, J.W. Goethe Universität Frankfurt (Allemagne)
- Laboratory for Isotopic Mass Spectrometry (LIMS), Verbania (Italie)
- Dipartamento di Fisica Nucleare, Istituto Politecnico di Torino (Italie)
- Universidad Politécnica de Cartagena (Espagne)

  • Collaborateurs
Marie-Pierre Jézégou, Luc Long, Marie-Pierre Coustures, Didier Béziat, Antonio Nesta, Pier-Renato Trincherini, Piero Quarati, Sabine Klein, Hans-Markus von Kaenel, Ignacio Manteca, Gobain Ovejero


Présentation générale  
Pour qui s'intéresse aux questions économiques, connaître la provenance et le commerce des marchandises est fondamental. C'est spécialement vrai en l'absence de documents comptables et de statistiques, ce qui est le cas pour les époques reculées, telle que l'Antiquité romaine. À cette période, les métaux ont joué un rôle considérable, en raison du développement des sociétés principalement urbaines, qui avaient besoin non seulement de métaux monétaires (or, argent, cuivre), mais aussi de métaux usuels (plomb, étain, cuivre, fer) pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne et aux grands travaux. Les provinces furent alors les grandes pourvoyeuses de métaux, et parmi elles, celles du monde occidental.  De cette production, sont témoins les vestiges archéologiques, en particulier, les semi-produits (lingots, barres, formes diverses) de métaux communs, qu'à partir des années 1950, l'archéologie, principalement sous-marine, a fait connaître, car, si les métaux précieux circulaient sans doute par voie de terre, en raison de leur valeur et au cours des temps, se sont fondus dans la masse, les métaux vils étaient transportés à travers le monde méditerranéen sur des vaisseaux, dont aujourrd'hui les épaves jalonnent les itinéraires.  Ainsi, à partir de la fin du IIe siècle avant J.-C. et au moins jusqu'à la fin du IIe siècle de note ère, cuivre, plomb et étain d'Hispanie, fer de Gaule, étain et plomb de Bretagne, plomb de Germanie inondèrent l'occident du monde méditerranéen, sous formes de lingots ou de barres de types divers, souvent marqués d'inscriptions et autres indications plus ou moins parlantes, à propos de leur origine, de leur nature ou de leurs avatarts commerciaux.
Jusqu'aux années 1990, pour étudier ces objets, on recourait aux méthodes classiques des sciences de l'Antiquité - archéologie, typologie, épigraphie, métrologie, etc. - parce qu'il n'y en avait pas d'autre. Aujourd'hui, ces méthodes sont toujours efficaces et nous continuons à les utiliser, mais elles sont heureusement complétées par des examens archéométriques (Domergue et al. à paraître). Aux analyses chimiques élémentaires qui ne permettaient de juger que de la plus ou moins la grande pureté du métal, se sont ajoutées, vers les années 1985,  les analyses isotopiques qui allaient permettre, avec le temps, de faire un grand bon en avant pour déterminer, avec une bonne probabilité, l'origine des métaux et comprendre les conditions dans lesquelles étaient commercalisés les lingots.
Désormais, avec cette nouvelle technique, l'archéométrie devenait une partenaire à part entière de la recherche sur la production et le commerce du cuivre et du plomb. À condition de tenir compte des données fournies par l'archéologie minière sur les périodes d'activité de telle ou telle mine, la méthode des isotopes du plomb est en effet fiable. Elle suppose, bien sûr, une collaboration avec des laboratoires équipés pour ce type d'analyses. Dans ce genre de recherche, la coordination des divers participants est capitale. C'est dans cet esprit que nous avons engagé depuis le milieu des années 1990 diverses collaborations avec des laboratoires français et étrangers (v. institutions partenaires ci-dessus) dans l'étude, principalement, des métaux utilitaires espagnols (plomb, étain, cuivre) et gaulois (fer), dans la mesure où, dans l'Antiquité, ils ont été largement exportés et utilisés.
Notre équipe est désormais connue pour aborder ce genre d'étude. Ainsi, tout récemment, le DRASSM nous a confié l'étude de la cargaison de lingots de cuivre romains découverte au large de Sète à la fin du mois d'octobre 2009.
Ce qui précède permet de comprendre que les résultats qui vont être exposés ci-dessous ne sont pas attribuables à notre seule équipe toulousaine. Simplement, nous assumons le rôle qui revient aux sciences de l'Antiquité et nous nous efforçons de faciliter une synergie des chercheurs d'autres disciplines qui travaillent avec nous. Notre objectif premier est d'accroître nos connaissances sur la production et le commerce des métaux dans l'Antiquité. Pour y parvenir, nous sommes utilisateurs de méthodes archéométriques, dont les résultats intéressent non seulement notre propre recherche, mais aussi toutes les disciplines pour lesquelles la provenance des métaux revêt une certaine importance.

Descriptif des résultats
    
Barres_Fer_Epave_Saintes_Maries_de_la_Mer 1) Le fer : la composition pétrographique des minerais et déchets sidérurgiques recueillis au domaine des Forges des Martys (Aude) comparée avec les analyses de plusieurs barres de fer des épaves des Saintes-Maries-de-la-Mer a conduit à considérer que certaines de ces barres pouvaient provenir des établissements sidérurgiques romains de la Montagne Noire (Long et al. 2002 ; Coustures et al. 2003 et 2006). Actuellement, l'étude archéométrique de ces barres se poursuit, tandis que d'autres barres de fer plus anciennes,découvertes dans l'habitat protohistorique de Montans (Tarn) sont  en cours d'étude selon la même méthode.








Lingots_Cuivre_Epave_de_Maguelone_Sierra_Morena_Espagne 2) Le cuivre : ici aussi, la méthode consiste à comparer la composition isotopique du plomb contenu dans le cuivre des lingots avec une banque de données d'analyses analogues, qui concernent minerais et métaux dont l'origine est assurée, et que nous enrichissons peu à peu depuis quelques années (Klein et al. 2008). Ainsi l'origine de plusieurs cargaisons de lingots de cuivre romains découverts dans des épaves de Méditerranée a été précisée : par exemple,  les mines de la ceinture pyriteuse de la péninsule Ibérique pour les épaves Lavezzi 1 et Sud-Lavezzi 2, les mines de la Sierra Morena centrale pour le Pecio del Cobre) (Rico et al. 2005-2006 ; Klein et al. 2007).



Lingot_Plomb_Epave_Cabrera 5_Sierra_Morena 3) Le plomb :  les lingots de plomb des mines romaines de Carthagène (l'ancienne Carthago Noua) étaient en partie identifiés grâce à la lecture des estampilles qu'ils portent. Les analyses isotopiques du plomb ont permis de confirmer ces attributions et d'ajouter quelques lingots de plus à cette série (Trincherini et al. 2009). En outre la question de l'origine des lingots de l'épave de Comacchio semble avoir été résolue : ils doivent eux aussi provenir des mines de Carthago Noua (Domergue et al. à paraître).
 


Bibliographie (par ordre de parution)

- C. Rico et C. Domergue, À propos de deux lingots de cuivre antiques trouvés en mer sur la côte languedocienne, dans L. Rivet et M. Sciallano (éds.), Vivre, produire et échanger : reflets méditerranéens. Mélanges offerts à Bernard Liou, Montagnac, 2002, p. 141-152.
- L. Long, Chr. Rico, C. Domergue, Les épaves antiques de Camargue et le commerce maritime du fer en Méditerranée nord-occidentale (Ier siècle avant J.-C./Ier siècle après J.-C.), dans Africa romana, XIV, Rome, 2002, p. 161-188.
- C. Domergue et C. Rico, Questions sur l'origine des lingots de métal trouvés au large des côtes du Languedoc et du Roussillon, dans M. Bats, B. Dedet, P. Garmy, T. Janin, C. Raynaud, M. Schwaller (éds.), Peuples et territoires en Gaule méditerranéenne. Hommage à Guy Barruol, Revue Archéologique de Narbonnaise, Supplément 35, Montpellier, 2003, p. 389-399.
- M.-P. Coustures, D. Béziat, F. Tollon, L. Long, C. Domergue, A. Rebiscoul, Use of trace elements analysis of entrapped slag micro-inclusions to establish ore-bar iron links : examples of two gallo-roman iron-making sites of France (Les Martys, Montagne Noire, and Les Ferrys, Loiret), Archaeometry, 45, 2003, p. 599-613..
- M.-P Coustures, Chr. Rico, D. Béziat, D. Djaoui, L. Long, F. Tollon, La provenance des barres de fer romaines des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône). Étude archéologique et archéométrique, Gallia, 63, 2006, p. 243-261.
- C. Rico, M. Rauzier, S. Klein, Y. Lahaye, G. Brey, C. Domergue et H.M. von Kaenel, La provenance  des lingots de cuivre romains de Maguelone (Hérault, France). Étude archéologique et archéométrique, Revue Archéologique de Narbonnaise, 38-39, 2005-2006, p. 459-472.
- S. Klein, C. Rico, Y. Lahaye, H.-M. von Kaenel, C. Domergue, G.P. Brey,  Copper ingots from the western Mediterranean Sea : chemical characterization and provenance studiers through lead- and copper isotope analyses, Journal of Roman Archaeology, 20, 2007, p. 202-221.
- S. Klein, C. Domergue, Y. Lahaye,  G.P. Brey, H.M. von Kaenel, The lead and copper isotopic composition of copper ores from the Sierra Morena  (Spain). Analysis de los isótopos de plomo y de cobre de los minerales de cobre de Sierra Morena (España),  Journal of Iberian Geology, 35 (1), 2009, p. 59-68.
- P.R. Trincherini, C. Domergue, I. Manteca, A. Nesta, P. Quarati, The identification of lead ingots from the Roman mines of Cartagena (Murcia, Spain): the role of lead isotope analysis, JRA,  2009.
- C. Domergue, P. Quarati, A. Nesta, P.R. Trincherini, Retour sur les lingots de plomb de Comacchio (Ferrara, Italie) en passant pas l'archéométrie et l'épigraphie, à paraître dans Actes du colloque Minería Antigua : estudios regionales y temas de investigación actual (Casa de Velázquez, Madrid, 18-20 novembre 2005).
- Chr. Rico, Cl. Domergue, Nuevos documentos sobre el comercio de los metales hispánicos en la época romana. Los lingotes de Chipiona (Cádiz), Habis, 41, 2010, p. 163-184 (avec Cl. Domergue).