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Les mines anciennes des Éduens
Recherches menées au sein du programme européen d’études et de fouilles du Centre archéologique du Beuvray (Bibracte, en Morvan)
Le site de Bibracte présente le cas rare de mines ouvertes à l’intérieur même d’un oppidum. Des petites mines d’argent ont été découvertes, exploitées à ciel ouvert antérieurement au développement urbain tardif, d’époque augustéenne. La capitale des Éduens a également livré des outils de frappe monétaires et des deniers d’argent, dont des monnaies de mêmes coins. Au sein des monnaies trouvées figurent des pièces fourrées, coulées à la cire perdue qui représentent près de 50 % de la production des séries locales. Dans la perspective d’une mise en relation d’une chaîne de production locale de l’argent, de la mine à un atelier monétaire avec frappes et coulées de deniers, des analyses minéralogiques et géochimiques (isotopie du plomb) ont été menées sur une sélection de minerais et de monnaies retrouvés sur le site. Le cas de Bibracte peut nous aider à proposer un protocole, car plusieurs phases sont documentées sur le site.
Les analyses en traçabilité ont été possibles grâce aux fouilles menées au Theurot de la Roche sur l’oppidum même. Elles ont permis de mettre en évidence deux minières-puits, de petit gabarit. Ce sont de petits chantiers miniers ayant permis d’exploiter des enrichissements en argent localisés dans des secteurs de failles croisées. Une autre minière ouverte en tranchée à la Pâture des Grangerands, côté est de l’oppidum, est d’un plus grand gabarit (plus de 100 m de long, entre 10 et 8 m de large, profondeur 8 m) et a livré également les vestiges d’une exploitation de l’argent. Le minerai exploité par les Anciens dans ces mines comprend une association minéralogique composée principalement de galène et de sphalérite et au moins deux minéraux d’argent, achantite et iodargyrite/hessite. La galène possède un évident caractère argentifère avec une teneur de 1500 à 2700 ppm, équivalente à 1,5 à 2,7 kg Ag pour une tonne de galène.
Les arasements faits lors des aménagements urbanistiques d’époque augustéenne ont affecté fortement les vestiges miniers et surtout les ateliers minéralurgiques (aires de traitement des minerais) et métallurgiques (production de l’argent), situés généralement aux abords des minières. Ils ont fait disparaître les haldes minières, les sols d’ateliers potentiels et les déchets métallurgiques associés. Nos calculs de quantification ont permis de restituer un volume total de 318 t de matériaux extraits dans les deux fosses du versant Est du Theurot de la Roche. Dans le cadre d’une estimation basse des teneurs en argent (à savoir 2,5 g/t minimum), effectuée à partir d’indices résiduels de la minéralisation, par ailleurs totalement exploitée par les Anciens, nous obtenons un poids d’argent minimum produit de près de 800 g. Des deniers d’argent ont été produits à Bibracte même. Nous prenons comme estimation du poids moyen des deniers d’argent frappés à Bibracte, la valeur de 1,50 g, en fonction des poids des deniers catalogués comme provenant de Bibracte. Avec 800 g d’argent, il serait possible de frapper au moins 533 deniers en argent pur. Sachant que beaucoup des deniers d’argent de Bibracte sont des monnaies fourrées, on aurait pu en produire encore plus avec une même masse d’argent.
Le Theurot de la Roche apparaît comme un champ minier argentifère (d’autres fosses ont été recoupées par des fouilles du secteur), exploité par des petits ensembles de fosses disséminées sur des zones à croisements de failles, plus riches en minéralisations. Cette petite production aurait permis d’alimenter la production de deniers d’argent éduens (pour partie fourrés) dans l’oppidum de Bibracte. Les recherches sont désormais tournées vers des analyses élémentaires et isotopiques (isotopie de plomb) pour apporter des données nouvelles sur la traçabilité du métal entre minerai et métal produit et travaillé. Par une approche comparée archéologique, numismatique, géologique, géochimique, minéralogique, nous tentons de définir un profil mettant en évidence les liens éventuels entre minerais et deniers éduens.
Participant.e.s
- Béatrice Cauuet, Membre associé TRACES
- Calin Gabriel Tamas, Maître de Conférence en géologie à l’université Babes Bolyai de Cluj (Roumanie). Membre associé de TRACES
- Stanislas Sizaret, Professeur de géologie à L’université d’Orléans
- Katherine Gruel, Directeur de recherche émérite, AOrOc, UMR8546 CNRS- ENS, Paris
Bibliographie succincte
Cauuet B., Sources et productions d’argent en Gaule aux âges du Fer. In Hiriart E., Genechesi J., Cicolani V., MartinS., Nieto-Pelletier S. dir., Monnaies et archéologie en Europe celtique : Mélanges en l’honneur de Katherine Gruel. Glux-enGlenne (Bibracte 29), 2018, 173-182.
Cauuet B., Gruel K., Tamas C.G., Sizaret S., Marcoux E. Une production d’argent sur l’oppidum de Bibracte. De la mine à la monnaie. Colloque de Gijon 2021, AFEAF 45, 2023, p. 41-58.
Cauuet B., Tamas C.G., Ressources métalliques antiques entre Bibracte et Autun. In Chardron-Picault P. dir., Hommes de feu. Hommes du feu. L’artisanat en pays éduen, Catalogue d’exposition, Ville d’Autun, Musée Rolin. Autun, 2007, 12-17.
Cauuet B., Tamas C.G., L’oppidum de Bibracte. Les exploitations minières, L’oppidum de Bibracte (MontBeuvray, France). Bilan de 10 années de recherches (1996- 2005). In Dhennequin L., Guillaumet J.-P., Szabo M. dir., Acta Archaeologica - Academiae Scientiarum Hungaricae. Budapest, 2008, 11-12.