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La mine antique des Barrencs (Lastours et Fournes-Cabardès, Aude)
- Responsable
Jean-Marc FABRE, UMR 5608
- Institutions partenaires
Service Régional de l'Archéologie, Direction Régionale des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon.
- Collaborateurs
Eric KAMMENTHALER, société Iker-Archéologie, UMR 5608
Julien MANTENANT, UMR 5608
Gabriel MUNTEANU, Rosia Montana Gold Corporation, UMR 5608
Présentation générale
Inclus dans le district minier de Salsigne, le plateau des Barrencs se situe dans la vallée de l'Orbiel, sur le versant méridional de la Montagne Noire (communes de Fournes-Cabardès et Lastours, Aude) (fig. 1). Il est constitué de terrains paléozoïques traversés par une série de gisements filoniens minéralisés en cuivre, plomb, argent et fer, dont les deux principaux, les filons subverticaux du Mourral de La Grave et des Barrencs de Fournes, distants de 150 m et d'orientation N-S, atteignent chacun 500 m de longueur pour une épaisseur variant de quelques centimètres à quelques mètres. Actuellement, le plateau est percé en plusieurs points de puits, de descenderies ou de fosses imposantes dépassant parfois 100 m de longueur et nommées barrencs (gouffre en occitan). En profondeur, quelques recherches minières ouvertes au XXème siècle ont reconnu d'importants réseaux miniers souterrains ouverts sur plusieurs centaines de mètres de longueur et plus de 100 m de hauteur sur les filons du Mourral de La Grave et des Barrencs de Fournes, sous les excavations du plateau.
Explorée dès la fin du XIXème siècle, la mine ancienne des Barrencs a fait l'objet d'études archéologiques limitées en 1946-1947 et 1974-1975, complétées en 2001, qui, pour l'essentiel, ont permis d'attribuer ces imposants travaux miniers à l'époque romaine républicaine (fin IIème-Ier siècle avant notre ère). Il n'est pas exclu cependant que l'exploitation remonte, à ses débuts, aux IVème-IIIème siècles d'après une datation C14 réalisée il y a quelques temps sur des charbons de bois prélevés in situ. Cela reste donc à confirmer.
L'opération de fouille programmée engagée cette année vise à préciser l'évolution de l'activité minière ancienne, déterminer la dynamique de l'exploitation et les techniques mises en oeuvre pour résoudre les problèmes créés par une entreprise de cette ampleur (exhaure, aérage, circulation...) et, enfin, identifier la nature des minerais extraits et l'ampleur exacte de la production. Il s'agit, à terme, d'évaluer la place de ce site minier d'envergure dans l'économie régionale durant l'Antiquité.
Descriptif des résultats
La campagne engagée en 2009 dans les chantiers miniers du Mourral de La Grave était partagée en plusieurs volets (prospection de surface, sondage, exploration et relevé topographique des ouvrage souterrains). Le but était de mesurer le potentiel archéologique de ces travaux et proposer une première lecture du site, afin d'engager dès 2010 des études plus précises sur certains aspects de l'activité. Les travaux souterrains reconnus sont inclus dans une zone de 75 m de longueur nord-sud et 120 m de hauteur. Ils sont aisément accessibles via le travers-bancs de Lastours, creusée au XXème siècle. Seule la base de ces ouvrages a été repris, de manière très limitée, à l'époque contemporaine. D'une manière générale, ils constituent un ensemble cohérent et homogène, particulièrement bien conservé.
La partie supérieure des travaux est formée d'un maillage serré d'ouvrages de recherche, répartis régulièrement au sein de la minéralisation. Celle-ci a été attaquée depuis la surface à partir de plusieurs entrées reliées entre elles en profondeur, les travaux paraissant se développer du haut vers le bas. La forme et la section des ouvrages sont régulières et homogènes, le diamètre des galeries dépassant ainsi rarement 1 m. Ils ont été creusés au feu et à la pointerolle, technique leur conférant parfois des formes bien caractéristiques (galeries ovoïdes aux parois couvertes de traces d'outils). Dans les parties riches des minéralisations, les mineurs ont ouvert des chantiers verticaux dépassant parfois plusieurs dizaines de mètres en hauteur et en longueur pour quelques mètres de largeur au maximum.
Plusieurs niveaux de circulation en très bon état de conservation ont été observés, sur lesquels gisent de nombreux fragments d'amphores vinaires, des charbons et fragments de bois et des éléments métalliques (clous, crochets...). Globalement, le mobilier céramique découvert cette année (amphores vinaires Dressel 1A, céramique campanienne A...) permet de dater les travaux supérieurs de la fin du IIème siècle et du Ier siècle av. n. è. Vers le sud, l'exploration de la base du réseau du Mourral de La Grave, partiellement noyée, a permis de repérer deux chantiers d'exploitation, ouverts sur le filon principal et un filon croiseur. Cependant, ces travaux anciens creusés au feu et à la pointerolle n'ont pu être datés, et la terminaison sud de l'exploitation n'a pas été atteinte. De nombreux aménagements sont visibles dans tous les travaux reconnus cette année, en particulier des encoches de boisage et des niches à lampe sur les parois. Leur étude apportera sans doute des informations importantes sur l'éclairage, la circulation des mineurs, le transport du minerai et la gestion des stériles.
Cette première année d'étude a mis en lumière l'état de conservation exceptionnel des parties supérieures des anciens travaux du Mourral de La Grave. L'existence d'une phase d'exploitation particulièrement bien organisée d'époque romaine républicaine (fin du IIème et Ier siècle av. n. è.) est définitivement admise. Plus généralement, le potentiel archéologique de la mine des Barrencs est très important : les travaux du Mourral de La Grave s'étendent sur au moins 300 m en direction nord-sud, sur une centaine de mètres de hauteur en moyenne, et des ouvrages anciens similaires par leur amplitude et leur morphologie sont signalés sur le filon des Barrencs de Fournes.
L'opération prévue en 2010 a pour objectif la poursuite de l'exploration et du relevé topographique de ces travaux, l'ouverture de sondages dans les différentes parties du réseau afin notamment de préciser l'évolution chronogique de cette activité, l'étude géologique et minéralogique de la mine pour aborder au mieux sa production et la dynamique de l'exploitation, et enfin l'analyse des vestiges en présence (étude des ouvrages, des aménagements et des techniques de creusement...). Par ailleurs, ce site est intégré dans une enquête plus générale sur l'exploitation minière et la production des métaux durant l'Antiquité au sein du district de Salsigne, engagée depuis octobre 2008 par un membre de l'équipe (Julien Mantenant).