Développement des mesures isotopiques du plomb, du fer et du cuivre par voie humide et in situ pour la provenance de l'or ancien : application à des monnaies islamiques

Publié le 25 avril 2024 Mis à jour le 25 avril 2024
le 2 mai 2024
14h
Salle Coriolis, Observatoire Midi Pyrénées, 16 av. Édouard Belin, Toulouse et en visio
20240425_soutenance_Palminy
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Soutenance de Louise De Palaminy

Louise de Palaminy soutiendra publiquement sa thèse de doctorat intitulée : Développement des mesures isotopiques du plomb, du fer et du cuivre par voie humide et in situ pour la provenance de l'or ancien : application à des monnaies islamiques, préparée sous la direction de Sandrine Baron et Franck Poitrasson.

La soutenance sera accessible en visio : https://cnrs.zoom.us/j/91444072987?pwd=VW5zNllJNlFYM3dTK0JLZS9xLzI2UT09 (ID de réunion : 914 4407 2987 - mot de passe : UAYUn5)

Le jury sera composé de :

  • Maria Filomena GUERRA MONARIS, CNRS - Rapporteure
  • Caroline ROBION BRUNNER TRACES, CNRS - Rapporteure
  • Christopher STANDISH National Oceanography Center, University of Southampton - Rapporteur
  • Ghylaine QUITTÉ IRAP, CNRS - Présidente et examinatrice
  • Christophe PÉCHEYRAN IPREM, CNRS - Examinateur
  • Robert KOOL Israel Antiquity Authority - Examinateur
  • Sandrine BARON TRACES, CNRS - Directrice de thèse
  • Franck POITRASSON GET, CNRS - Co-Directeur de thèse
  • François-Xavier FAUVELLE Collège de France, CRFJ - Invité
 

RÉSUMÉ

Les études sur la provenance de l'or ancien sont principalement réalisées à l'aide d'analyses élémentaires, mais celles-ci présentent des limites. Bien qu'elles permettent de caractériser les stocks de métaux et de mettre en évidence leur circulation, notamment à partir du Pt et Pd, il reste difficile d'attribuer une origine géologique et géographique aux objets en or étudiés.

En revanche, l'analyse isotopique offre un éclairage complémentaire pour les études de provenance. Les systèmes radiogéniques des isotopes du plomb donnent un âge de la minéralisation. Les isotopes stables du fer et du cuivre, permettent de caractériser le type de minerai, par exemple magmatique, hydrothermal ou supergène, primaire ou secondaire. L'objectif de la thèse était donc d'évaluer le potentiel de ces trois traceurs isotopiques (Pb, Cu, Fe) pour le traçage de l'or ancien.

Une chimie de séparation (chromatographie sur résine anionique) a été développée pour obtenir le Pb, Cu et Fe purifiés nécessaires à l'analyse isotopique par MC-ICP-MS. Nous avons pu séparer les trois éléments en une seule chromatographie sur un corpus composé de pièces d'or tests et d'étalons maisons, sans biais de fractionnement isotopique. Le potentiel du couplage multi-isotopes Pb-Fe-Cu a été démontré, ces trois systèmes donnant des résultats complémentaires.

Un autre problème est le besoin de minimiser l'échantillonnage pour ces artefacts. En outre, la mesure des isotopes de Pb, Cu et Fe dans l'or par MC- ICP-MS couplée à l'ablation laser est complexe à mettre en œuvre. Les obstacles sont les faibles concentrations en Pb, Fe et Cu dans la matrice Au, mais aussi le manque de matériaux de référence spécifiques afin d'obtenir des analyses justes et précises. Pour minimiser les effets de matrice et optimiser les rendements d'ablation, l'analyse isotopique par laser femtoseconde a été développée. Pour la première fois, les isotopes stables du cuivre ont été mesurés par fs- LA-MC-ICP-MS avec suffisamment de précision et de justesse dans des matrices d'or (incertitudes d'un facteur 2 par rapport à la voie humide).

Enfin, un corpus de pièces d'or archéologiques islamiques provenant d'un trésor de dinars fatimides découvert dans le port médiéval de Césarée (Israël) a été étudié. Nous avons pu mesurer les isotopes de Pb, Fe et Cu dans onze de ces monnaies frappées au Maroc, en Tunisie et en Libye, en utilisant le macro- échantillonnage et l'analyse MC-ICP-MS par voie humide. Les sources anciennes racontent que cet or provenait d'Afrique de l'Ouest, mais sans preuve tangible à l’heure actuelle. Les résultats de l'analyse des isotopes du Pb ont donné des âges modèles beaucoup plus jeunes (c. 0-200 Ma ; 206Pb/204Pb > 18,40) que ceux des minéralisations d'or d'Afrique de l’Ouest (c. 2000 Ma ; 206Pb/204Pb ~15,00), ce qui soulève des questions quant à l'origine du Pb. Nous émettons l'hypothèse qu'il provient probablement d’une pollution, au tout début de la chaîne opératoire lors de la réduction du minerai d'or, ou bien sur le lieu des ateliers de frappe dans les creusets utilisés pour faire fondre l'or. Dans les deux cas, les isotopes du Pb indiquent que cette pollution provient de matériel situé au nord du Sahara. Les résultats isotopiques du Fe et du Cu révèlent des signatures caractéristiques des minerais supergènes. Les valeurs de ∂57Fe sont comprises entre 0,0 et 1,8 ‰ (une exception à -0,8 ‰) correspondant à du minerai sédimentaire marin et supergène très abondant en Afrique de l'Ouest dans lesquelles l'or peut se concentrer. Le δ65Cu des monnaies a une signature moyenne de 2,7 ± 1,2 ‰ (SD) correspondant à un dépôt oxydé et/ou carbonaté.

Le couplage des analyses élémentaires avec les isotopes du Cu suggère un approvisionnement via différents (au moins deux) stocks d'or. Ainsi, ces nouvelles analyses isotopiques ont permis de formuler des hypothèses quant à l'origine et au type de minerai d'or utilisé, mais aussi de mieux comprendre la chaîne opératoire.
 

ABSTRACT

Ancient gold provenance studies are mostly carried out with elemental analyses, but they have limitations. Although they may allow to characterize metal stocks and highlight metal circulation in a given geographical space, notably from platinoids elements like Platinum and Palladium, it remains difficult to assign a geological and geographical origin to the gold objects studied.

In contrast, isotope analysis offers a complementary and valuable insight into provenance studies. The radiogenic systems of lead isotopes provide insight on the age of the host mineralization. The more recently investigated stable iron and copper isotopes allow to characterize the ore type, e.g., magmatic, hydrothermal or supergene; primary vs secondary, etc. The aim of the PhD was therefore to assess the potential of these three isotopic tracers (Pb, Cu, Fe) for ancient gold tracing.

A separation chemistry (chromatography) was developed to obtain the purified Pb, Cu and Fe required for isotopic analysis by MC-ICP-MS. By adapting protocols using anionic resin, we were able to separate the three elements in a single chromatographic run on a corpus materials composed by test gold coins and in-house standards, without isotopic fractionation biases. The potential of Pb-Fe-Cu multi- isotope coupling was demonstrated, as these three systems showed complementary results.

Another issue is the need to minimize sampling sizes for these archaeological and historical objects. Moreover, the measurement of Pb, Cu and Fe isotopes in gold using MC-ICP-MS coupled with laser ablation is complex to implement. The main obstacles are the small concentrations in Pb, Fe and Cu in the Au matrix, but also the lack of reference materials for these isotopic analyses with this type of matrix to obtain accurate and precise analyses. To minimize matrix effects and optimize ablation yields, another important task involved the development of isotope analysis using femtosecond laser. For the first time, copper isotopes were measured via fs-LA-MC-ICP-MS precisely and accurate enough in gold matrices, with uncertainties only a factor of 2 larger than those obtained by wet method.

Finally, a corpus of archaeological Islamic gold coins from a treasure of Fatimid dinars discovered in the medieval port of Caesarea (Israel) was studied. We were able to measure the isotopes of Pb, Fe and Cu in eleven of these coins minted in Morocco, Tunisia and Libya, using macro-sampling and wet MC- ICP-MS analysis. Ancient sources tell us that medieval Islamic gold originated in West Africa but with no tangible proof today. Because lead isotope results from Fatimids gold coins gave much younger model ages (ca. 0-200 Ma; 206Pb/204Pb > 18.40) than West African gold mineralization ones (ca. 2000 Ma; 206Pb/204Pb ~15.00), this raises questions about the origin of the Pb present in the gold of these coins. We hypothesize that this likely comes from pollution and can occur at the very beginning of the chaîne opératoire i.e. from gold ore reduction or at the minting workshops place i.e. from the crucibles used to melt the gold metal before striking. In both cases, lead isotopes indicate that this pollution was produced by material located north of the Sahara. The Fe and Cu isotope results reveal signatures characteristic of supergene ores. ∂57Fe values are ranged between 0.0 and 1.8 ‰ (with an exception at -0.8 ‰) which correspond to the trend of marine and supergene sedimentary iron very abundant in West Africa in which gold can concentrate. The δ65Cu of the Fatimid coins have a mean signature of 2.7 ± 1.2 ‰ (SD) which correspond to oxidative and/or carbonate deposit.

Coupling the elemental analyses with the copper isotope suggests a supply via different (at least two) gold stocks. Hence, these new isotopic analyses led to formulate hypotheses as to the origin and type of gold ore used, but it has also enabled us to understand more about the chaîne opératoire.