Les dépôts métalliques du BFa 3 (950-800 av. J.-C.) en Gaule atlantique – Modalités de circulation, de manipulation et d’enfouissement du métal

Publié le 27 février 2023 Mis à jour le 27 février 2023
le 10 mars 2023
9h
Université Toulouse Jean Jaurès, Maison de la Recherche, salle D29
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Soutenance de thèse de F. Bordas

À la fin de l’âge du Bronze (BFa 3 : 950-800 av. J.-C.), la pratique consistant à enfouir hors de tout contexte funéraire des produits métalliques connaît un accroissement considérable en Gaule atlantique. Dans cet espace, 255 dépôts sont signalés, livrant pas moins de 18 000 restes métalliques. Malgré d’importantes avancées dans la compréhension de cette pratique, l’enchaînement précis des actions ayant conduit à la constitution de ces ensembles fait encore l’objet d’hypothèses variées et contradictoires. Les aspects les plus discutés concernent la place et le rôle de la fragmentation et des manipulations vis-à-vis des enfouissements, la réalité d’actes de sélection et d’exclusion lors du rassemblement des objets, le caractère définitif ou au contraire provisoire des dépôts, ainsi que l’intégration de cette pratique dans les systèmes techno-économiques de la fin de l’âge du Bronze.

L’objectif de notre recherche a donc été d’interroger cette documentation afin de contribuer à une meilleure compréhension des chaînes opératoires intervenant dans la constitution des dépôts. Par une approche typologique du mobilier métallique, et par l’établissement de modèles statistiques prédictifs rendant compte des différentes modalités de circulation, de collecte et de manipulation du métal, il s’agissait également de participer à caractériser le paysage économique et culturel de la fin de l’âge du Bronze.

Parmi les nombreuses questions intermédiaires que soulève ce sujet, les plus essentielles renvoient au statut du métal au moment de son enfouissement. Les restes métalliques étaient-ils immobilisés pour leur valeur d’échange, d’usage ou pour leur éventuelle charge symbolique ? Ces lots sont-ils accumulés aléatoirement au gré des dynamiques de production et de circulation du métal ou bien témoignent-ils de phénomènes de sélection et de manipulation suffisamment puissants et normés pour ordonner la manière dont le métal est immobilisé ? Les différents traitements perceptibles sur les objets (fragmentation, manipulations diverses, choix des objets) interviennent-ils au moment et pour les besoins des immobilisations ou bien en sont-ils complètement déconnectés ?

À l’issue de cette recherche, la perspective prémonétaire du contenu d’une partie des dépôts du BFa 3 ne peut être ignorée. Cependant, le rassemblement du métal n’apparaît pas être complètement aléatoire et certaines manipulations ne renvoient pas à de simples considérations techno-économiques liées au recyclage ou à la résolution d’échanges. Des compositions types, correspondants à des traits culturels plus ou moins marqués, ont par ailleurs été identifiées. Les différents faciès de dépôts ainsi mis en évidence renvoient à des logiques régionales, dont les emprises géographiques et les correspondances s’alignent en partie sur les dynamiques culturelles révélées par l’étude typologique du mobilier métallique. Les variations dans la manière de collecter et de manipuler le métal d’un espace à un autre s’expliqueraient par l’enchevêtrement de plusieurs facteurs. Certains dépendent de la structure des groupes pratiquant les dépôts : la taille des communautés impliquées, leur composition sociale et les choix effectués quant à la quantité de métal immobilisée. D’autres sont le fait de la manière dont le métal circule : accès au métal, intensité des échanges et nombre d’agents économiques impliqués, existence ou non d’objets plus favorablement employés en tant qu’éléments prémonétaires. D’autres variables renvoient encore à des considérations ayant trait à l’intentionnalité des dépôts, mais aussi aux systèmes symboliques imprégnant de manière variable les différents groupes culturels de la fin de l’âge du Bronze. En cela, nous pensons qu’un objet ayant perdu sa valeur d’usage peut, indépendamment de sa valeur d’échange, conserver une charge symbolique mobilisable dans le cadre des dépôts (matérialisant un individu, un groupe culturel, un statut social, une idée, le cycle de vie du métal), mais aussi une valeur historique ou mémorielle, notamment quand il s’agit d’objets anciens.

En ce qui concerne les dynamiques d’apparition et d’enfouissement des dépôts, l’hypothèse d’ensembles constitués à des moments précis de l’histoire d’une communauté est envisagée, notamment lors des phases de fondation ou d’abandon d’un site. En cela, l’enfouissement plus ou moins codifié de lots d’objets métalliques contribuerait à la ritualisation du paysage, des territoires culturels, et de certains espaces ou structures particulières au sein d’occupations. La concomitance d’immobilisations définitives et de dépôts initialement conçus dans une perspective provisoire reste néanmoins une possibilité, qui devra, à l’avenir, être discutée sur la base d’une documentation contextuelle qui reste encore à étoffer.