L’exploitation de la chalcopyrite à l’Âge du Bronze dans le massif des Rousses en Oisans (Isère)

Marie-Christine Bailly-Maître (Directeur de Recherche CNRS, UMR 6572 - LAMM - CNRS - Université de Provence), Thierry Gonon (Docteur en archéologie - Oxford Archaeology)

La mine forme, avec le pastoralisme, l'un des principaux agents de structuration de la vie et même de la survie en montagne. L'Oisans occupe une place importante dans cette histoire. La géologique du massif à permis le développement d'entreprises intéressées, selon les époques, par le fer, le cuivre, le plomb, l'argent et enfin, le charbon. Les cristaux de roche, exploités depuis le Néolithique, font sa renommée. Un inventaire a été engagé dès 1982 afin de reconnaître l'ensemble des mines de l'Oisans, toutes périodes confondues à parti du dépouillement systématique des sources écrites aux archives départementales, aux archives nationales, à la DRIRE Rhône-Alpes et de prospections sur le terrain.
Depuis 2002, les recherches historiques et archéologiques se sont concentrées sur les mines du massif des Rousses (Vaujany, Huez et le Freney). Plusieurs campagnes de prospections ont porté sur une aire allant du col de Couard jusqu'au lac Blanc. Une quarantaine de sites d'importance inégale ont été recensés.












Les gisements exploités sont tous des filons de quartz et chalcopyrite qui se présentent sous la forme de longues failles à ciel ouvert bordées de haldes. La couverture sédimentaire quaternaire est peu développée sur ce plateau d'altitude, rendant la prospection et l'exploitation des filons plus aisées. Les chantiers se répartissent entre sites de plateau et sites de falaise.

Des sondages ont été réalisés, en 2005, sur des haldes et au front de taille de plusieurs chantiers permettant de récolter des charbons de bois en stratigraphie.







Les datations obtenues sont :
a) Pour les sites de plateau :
* sur halde de Cochette : 1940 et 1680 cal BC (à 94,39%) .
        * sur halde Plan des Cavales 4 : 2141 - 1876 cal BC (à 96%).
    b) pour les sites de falaise
        * sur front de taille Etendard : 1975 - 1730 cal BC (à 90,31%).
        * sur front de taille Barbarate : 1895 - 1725 cal BC (à 83,5%).

Quelques remarques en forme de synthèse

¬     Un grand district minier de l'Âge du Bronze

L'homogénéité des datations obtenues à la fois sur les sites en falaise et en plateau, le nombre de sites inventoriés, l'ampleur de certains chantiers alors même qu'aucune désobstruction archéologique n'a encore été entreprise font de ce district un ensemble majeur pour la connaissance de la métallurgie alpine de l'Âge du Bronze, totalement inédit.

¬    Des techniques maîtrisées

Abattage : la totalité des sites inventoriés témoigne de la pratique de l'abattage par le feu. Des puits ont été forés par cette méthode depuis l'affleurement. Plusieurs percuteurs ont été retrouvés.

Combustible : la technique d'abattage par le feu, systématique et massive, pose la question de l'approvisionnement en combustible et des itinéraires pour rallier les sites d'extraction. La détermination anthracologique des charbons de bois datés les identifie à du sapin et de l'épicéa.





Travail du minerai : la métallurgie de la chalcopyrite est relativement complexe. Une partie du traitement était faite sur place, des déchets de concassage sont visibles sur des aires planes, à proximité des mines. Des dérivations de chenaux sont également perceptibles. Un échantillonnage est en cours afin de procéder à des analyses de minerai encore en place.

Un travail saisonnier : les prospections ont permis de recenser plusieurs constructions rondes à ovales ou quadrangulaires. Aucun sondage n'a encore été pratiqué dans ces structures qui peuvent être des abris saisonniers pour les travailleurs.











¬     Qui sont les mineurs

Les prospections menées depuis 2007 ont pris en compte la recherche des lieux d'habitat des mineurs des Rousses, sur des étages situés à une altitude moins élevée favorables à une implantation humaine.

¬    Le paléoenvironnement
Un programme de recherche s'engage à partir des milieux humides, assez nombreux aux abords des chantiers miniers : paléoclimat, étagement de la végétation, pollution, etc.

Conclusion

On a longtemps cru que l'Oisans n'avait connu les premières pénétrations humaines que tardivement, au début du Ier millénaire av. n.è. Or Pierre Bintz a montré que l'homme a fait des incursions en Oisans dès le Mésolithique dans le Taillefer (7500 av.), à la recherche de gibier et pour l'exploitation des quartz. Les veines de quartz sont le plus souvent minéralisées et les hommes ont prélevé le minerai en même temps que le quartz, quartz de l'Oisans que l'on retrouve sur de nombreux sites alpins sous la forme d'objets travaillés. D'ailleurs, plusieurs petites cristallières ont été repérées sur le chemin qui mène aux exploitations de cuivre. Elles seront incluses dans l'étude globale.
C'est une véritable industrie qui s'est développée dans le massif des Rousses associant la collecte des quartz et des minerais métalliques.On ne peut pas parler d'installations permanentes, mais d'une activité saisonnière régulière.

Bibliographie

- Ambert P., 1990, « L'émergence de l'industrie chalcolithique dans le Midi de la France », Le Chalcolithique en Languedoc, Archéologie en Languedoc, p.51-58.

- Arnal J., Bocquet A ;, Robert A., Verraes G., « La naissance de la métallurgie dans le sud de la France », Proceeding of the Firth Atlandic Colloquium, Dublin, 1979, p. 35-63

- Bailly-Maître M.-Ch, Gonon Th., « L'exploitation de la chalcopyrite à l'Âge du Bronze dans le massif des Rousses  en Oisans (Isère) », actes du 131e CNSS, Tradition et innovation, Grenoble, 2006, CTHS, 2008, p. 207-223 (publication électronique).

- Barge H., 2003, Saint Véran, la montagne ; le cuivre et l'homme. 1. Mine et métallurgie préhistoriques dans les Hautes-Alpes, Actilia Multimedia, 90 p.

- Bintz P., 2001, « Exploitation du quartz et premières occupations humaines, L'Oisans », Patrimoine en Isère, Conservation du Patrimoine de l'Isère, p. 41-43