Une mine d’argent de l’Antiquité découverte sur les rivages de la mer Egée

Communiqué de presse sur le site Internet de l'Université de Lorraine

Publié le 17 novembre 2014 Mis à jour le 17 novembre 2014

Une équipe internationale est actuellement basée en Grèce afin d’étudier les mines d’argent du Laurion, considérées aujourd’hui comme les plus profondes du monde antique. La mission d’exploration 2014 apporte des informations inédites sur les techniques minières et métallurgiques développées dès la fin du Néolithique dans cette zone stratégique de Méditerranée. L'équipe est sous la direction de Denis Morin, archéologue, enseignant chercheur à l’Université de Lorraine, rattaché à l’UMR CNRS 5608 et au laboratoire EA 1132, HISCANT-MA.


Ressources minérales…

Situé au sud d’Athènes et à l’extrémité nord de l’Attique, le Laurion est un vaste district métallifère de près de 120 km2. Ce fut l’un des plus importants centre minier de la Grèce aux IVe et Ve siècle avant JC. Taillés à la perfection dans le marbre à l’aide de pointerolles, les puits de section quadrangulaires peuvent atteindre plus de 120 mètres de profondeur en verticale absolue : des dimensions vertigineuses pour l’Antiquité. Depuis 2013, les archéologues ont engagé un programme pluridisciplinaire de recherche en étroite coopération avec les géologues grecs chargés de lever la carte géologique du Laurion, et l’Université de Ghent (Belgique) en charge de la concession archéologique de Thorikos.

La découverte d’un exceptionnel réseau  minier

Au pied de l’acropole mycénienne  de Thoricos, dominant la rade de Lavrio, c’est un inextricable réseau de galeries, de puits et de chantiers que les archéologues viennent de découvrir : actuellement le plus vaste réseau jamais exploré dans cette partie du monde égéen. Plus de trois kilomètres de galeries taillées dans les marbres et les schistes ont déjà été parcourues qui débouchent sur d’inextricables labyrinthes de chantiers dont la hauteur n’excède pas parfois 40 cm de hauteur : une entreprise humaine qui dépasse l’entendement.

Denis Morin s’exprime sur cette découverte exceptionnelle :

"On a peine à imaginer aujourd’hui les conditions extrêmes dans lesquelles ces mineurs de l’Antiquité évoluaient dans de tels dédales. Il règne dans cet environnement minéral hostile une chaleur étouffante. Progresser dans un tel milieu nécessite un effort et une vigilance de tous les instants… Les traces d’outils sur les parois, les lampes à huile ou encore les aires de concassage découvertes encore en place sur le sol des galeries attestent de l’activité omniprésente de ces mineurs de fond dans cet espace tridimensionnel. La dureté de l’encaissant et des minéralisations témoigne des capacités à peine imaginables de résistance et de survie de ces ouvriers, pour la plupart des esclaves, condamnés à l’obscurité et à l’abatage du minerai argentifère… Cartographier ces réseaux à la fois exigus, complexes et anastomosés et dont les ramifications se situent parfois à plusieurs niveaux représente un réel défi sur le plan scientifique"

Actuellement, les archéologues sont confrontés aux difficultés qu’une telle exploration nécessite. Rompues aux techniques de spéléologie alpine, les équipes qui se relaient à l’intérieur des réseaux, tentent actuellement d’évaluer l’ampleur de ces chantiers souterrains.
 


Peuplements…


Restituer l’ensemble de la chaîne opératoire qui conduit du minerai au métal, puis du métal à l’objet, c´est appréhender les gestes et identifier les populations à l´origine de ces travaux pharaoniques à travers l´étude anthropologique des vestiges osseux mis au jour au cours des fouilles. L´étude anthropologique et archéométrique des vestiges osseux (analyses, extraction ADN, métaux lourds, MEB, ADN…) figure en effet parmi les objectifs inédits de ce programme pluridisciplinaire original. Une équipe d’anthropologues sous la direction de Francis Janot, anthropologue à l'Université de Lorraine étudie et analyse les sépultures mises au jour en périphérie de cette cité minière : l’un des objectifs sera d’identifier le statut social de ces mineurs et d’analyser les pathologies liées à l’exploitation minière.

Territoires

Des géologues (UMR GéoRessources-7359) de la Faculté des Sciences et Technologies de l’Université de Lorraine, de l’IGME (Service Géologique de Grèce), et du Centre de recherche en géographie LOTERR (Université de Lorraine, géomorphologie) ont rejoint l’équipe. Leurs travaux devraient permettre de mieux comprendre la genèse et la disposition de ces minéralisations ainsi que les stratégies d’exploitation mises en œuvre en lien avec l’architecture de la mine et par là-même des filons minéralisés.

 

Un anthroposystème


Les fouilles récentes sur l’acropole confirment la découverte de résidus de coupellation (séparation de l’argent du plomb) qui remontent à l’âge du Bronze, au moins à la première moitié du IIe millénaire avant notre ère. Ce sont sans équivoque les plus anciens vestiges de ce type connus dans le monde antique. Le Laurion et en particulier le site de Thorikos constitue un laboratoire d’observation privilégié d’un phénomène beaucoup plus vaste. Les mines témoignent des capacités techniques mises en œuvre pour exploiter des gisements complexes et profonds et traiter les minerais en surface. Leur généralisation relève d’une stratégie délibérée à l’origine d’une parfaite maitrise technologique et territoriale : une concentration exceptionnelle des moyens pour extraire l’argent et un système technique unique dans le monde antique à ce niveau d’échelle.

La mission qui se poursuit, n’a pas seulement pour objectif de cartographier ces vestiges. L’exploration de ces vastes réseaux souterrains devrait permettre de mieux appréhender ces techniques minières inédites pour l’Antiquité : gestion des ressources minérales, fonçage et circulation des matériaux…des travaux entièrement conçus de la main de l’homme et qui anticipent déjà les mutations technologiques du Moyen-Age et de la Renaissance.

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