Un article consacré à TRACES dans "La Dépêche" du 14 décembre 2014

Publié le 16 décembre 2014 Mis à jour le 8 juin 2015

Sur les "Traces" de Tolôssa, la Gauloise



Tolôssa est la transcription grecque du nom originel celte de Toulouse, qui existait déjà il y a 2 100 ans. À Toulouse aujourd'hui, dans la Maison de la Recherche de l'université Jean-Jaurès, au Mirail, se cache le second laboratoire archéologique de France, selon son directeur François-Xavier Fauvelle. 160 chercheurs et doctorants y étudient les origines de Toulouse et du monde, du Moyen-Âge à la préhistoire. Ces aventuriers toulousains de l'arche perdue effectuent des missions (fouilles sur dix à vingt ans) dans 40 sites en France et une vingtaine à l'étranger, en Afrique, en Asie ou en Europe. Un membre du labo a peint les copies des fresques de la grotte Chauvet destinées au public. Traces dessine aussi, à travers des fouilles effectuées à Toulouse, avant chaque grand chantier, l'histoire de Tolôssa.


Niel, Vieille-Toulouse ou Ancely ?
une interview de Michel Vaginay, conservateur régional de l'archéologie et membre du laboratoire TRACES

Que dit l'archéologie sur l'implantation d'origine de Toulouse ?

Si les textes établissent l'existence de Tolôssa il y a 2 100 ans, l'archéologie permet d'envisager trois sites habités avant l'occupation romaine. Le premier s'étale sur 80 ha, en plaine, plus ou moins densément occupé dans le quartier Saint-Roch, découvert lors de la construction de la caserne Niel en 1906 et sur lequel les fouilles du quartier Niel en 2009-2010 ont livré des infos nouvelles : la mise au jour de 100 tonnes d'amphores ou morceaux d'amphores de vin italiques et de céramiques confirme le rôle de plaque tournante du commerce des vins tenue par Tolôssa entre 150 et 100 av. JC, sur l'axe entre Méditerranée et Atlantique, Afrique du nord, Espagne, Aquitaine et Bretagne. Ce site s'est brusquement arrêté en -100. Un deuxième foyer de peuplement se trouve lui en hauteur, à Vieille-Toulouse, avec un oppidum probablement fortifié sur 30 ha dense (150 ha moins dense). Métaux, céramiques, monnaies, artisanat, rues à angle droit et sanctuaires tendent à prouver que c'était un lieu de pouvoir qui a perduré jusqu'à la ville romaine. Un troisième site se trouve à Ancely, déjà habité au néolithique (3 500 av. JC) qui a abrité, après la période gauloise, les arènes romaines. Des fouilles récentes au pied de Guilhemery, vers l'actuel port Saint-Sauveur, ont mis au jour les vestiges de ce qui pourrait être une ferme périphérique. La ville romaine s'est établie au bord du fleuve, rive droite, en zone non inondable, il y a un peu plus de 2000 ans.

 


«Pourrai-je retourner à Sijilmâsa ?»
une interview de François-Xavier Fauvelle, historien et archéologue, spécialiste de l'Afrique, chercheur au CNRS et directeur du laboratoire TRACES

Vous effectuez une mission au sud Maroc, aux portes du désert algérien, à Sijilmâsa ?

C'est une ville médiévale islamique qui était un peu la porte du désert pour les caravanes allant chercher l'or et les esclaves en Afrique subsaharienne, jusqu'au XVe siècle, car, après, les routes commerciales du Sahara ont changé. La cité était connue par des écrits et des monnaies, nous avons révélé ses enceintes du 8e, 11e et XIIIe siècles, ces trois dernières années. C'est comme un puzzle mal conservé dont nous essayons de recoller les morceaux. J'y vais tous les ans. J'y étais un mois en mai dernier. Je ne sais pas si je pourrais y retourner en avril prochain comme prévu car c'est devenu une zone rouge.

L'intégrisme islamique et le risque d'enlèvement sont un obstacle aux recherches dans ces pays ?

Il faut être très vigilant dans tout le tiers nord de l'Afrique, à part le Maroc, jusqu'ici, et l'Ethiopie. Les autres pays sont difficiles, surtout lorsqu'on doit y travailler de longues périodes, pas au coup par coup, d'autant que nos missions sont la plupart du temps financées par la commission des fouilles du ministère des affaires étrangères, au titre de la diplomatie culturelle. Cela nous expose un peu plus. Nous sommes informés plus tôt s'il y a un risque. Il n'est pas question decourir le moindre danger. Même l'Egypte est devenue compliquée depuis la révolution, les archéologues doivent travailler sous contrôle militaire. J'ai passé récemment cinq jours au Tchad, encadré, c'est possible. Mais un mois, non. Trop compliqué par les grandes questions géopolitiques.

Pourtant, vous travaillez pour le bien de l'humanité ?

On s'intéresse au passé anté islamique, ça gêne. Ce n'est pas un discours conforme à ce qui est attendu par les idéologies sectaires qui ont détruit au Mali les mausolées des saints musulmans. Dans l'ancien royaume dit du Ghana, en Mauritanie, des pillages sont régulièrement effectués par Aqmi (Al-Qaida au Maghreb-NDLR). Ces idéologies sont contre l'éducation comme Boko Haram au Nigéria. Nous ne pratiquons pas une recherche isolée, éthérée, on est totalement en prise. Il faut faire gaffe où on va, audiscours qu'on tient et expliquer au public où on intervient ce qu'on vient faire. Cela implique une vraie responsabilité sociale.


Propos recueillis par Ph. E.

 
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