Découverte exceptionnelle dans les réseaux romains de la mine d’or de Catalina Monulesti (massif de Cos, Rosia Montana en Roumanie)

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Publié le 18 novembre 2013 Mis à jour le 8 juin 2015

Une découverte exceptionnelle a été faite dans les réseaux romains de la mine d’or de Catalina Monulesti (massif de Cos, Rosia Montana en Roumanie) sous la direction de Dr Béatrice Cauuet et de son équipe du laboratoire TRACES (UMR 5608 – CNRS) de l’Université de Toulouse 2 Le Mirail (France) en partenariat avec le Musée National de la Roumanie de Bucarest et l’Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca.



Les équipes de recherche viennent de mettre à jour un système d’épuisement d’eau par roue élévatoire à augets dans un état de conservation rare.



Détail d'un auget de la roue hydraulique
Crédits : Béatrice Cauuet, CNRS, UMR 5608 TRACES



Aux XVIIIe et XIXe siècles, des travaux miniers ont en partie ré-ouvert cette mine antique permettant la découverte d’un des lots les plus importants des célèbres tablettes cirées romaines (portant des inscriptions latines), à savoir 11 tablettes sur les 28 découvertes sur le site d’Alburnus Maior, l’antique Rosia Montana. Dans une publication de 1868, l’ingénieur des mines Posepny avait évoqué des travaux creusés à la pointerolle, une salle de roue effondrée renfermant une roue élévatoire (3,30 m de diamètre), une échelle monoxyle et des galeries dans lesquelles ont été collectés 40 morceaux de tablettes cirées. Une partie de ces objets auraient été laissés sur place.
 
Dans l’état actuel de l’étude, le réseau minier romain de Catalina Monulesti orienté nord/nord-ouest sud/sud-est se développe sur 6 étages de plus de 20 m de dénivellation sur un développé linéaire de plus de 300 m. Les fouilles archéologiques menées par Béatrice Cauuet ont mis en évidence des travaux anciens ouverts à l’outil (traces de pointerolle et de pic sur les parois) et équipés de niches à lampe. Ils présentaient tous des sections trapézoïdales caractéristiques des chantiers miniers antiques de Rosia Montana déjà datés par des recherches antérieures de l’époque romaine dans les massifs de Carnic, Cetate, Ţarina et Paru Carpeni. Le réseau comprend des galeries de recherche, des descenderies d’accès et de liaison et des chantiers d’exploitation verticaux avec des plates-formes en bois. Les descenderies pentues ont des soles en plan incliné, souvent équipées de marches en position centrale ou couvrant toute la largeur de la sole. Les plafonds suivent l’inclinaison avec une taille en gradins. La plupart des galeries et descenderies présentent de grandes dimensions, avec en moyenne 1,60 m de largeur et 1,80 m de hauteur. La circulation et le transport des produits de l’exploitation (minerais et stériles) entre les étages se faisait donc par portage sur le dos des mineurs.
 
Un système d’épuisement des eaux de mine par roue élévatoire à augets vient d’être mis au jour avec une grande partie d’une des roues encore en place en connexion sur son support et encore longée par son canal de dérivation des eaux vers une galerie supérieure. La chambre contenant la roue correspond à l’espace de drainage décrit par Posepny au XIXe siècle. Les augets apparaissent à la périphérie de la roue dans les sédiments qui les ont scellés en place. D’autres chambres avec roues ont déjà été retrouvées dans une autre mine d’or romaine de la vallée, à Paru Carpeni en 2005 et 2007, mais les roues y étaient brisées et incomplètes rendant leur restitution délicate. Depuis les années 1930 et la découverte notamment de plusieurs chambres avec roues de ce type dans la mine de cuivre romaine de Rio Tinto en Espagne, c’est la première fois qu’une telle roue d’exhaure pour le pompage d’une mine romaine est retrouvée à sa place dans son logement antique.
 
La mine romaine de Catalina Monulesti a également livré ces derniers mois de nombreux équipements en bois et de l’outillage en bois très bien conservés dans le milieu humide et à température constante de la mine. Il s’agit de cadres de boisages avec assemblage à tenon et mortaise, des canalisations en bois pour le drainage, des échelles monoxyles dont une de plus de 4 m de longueur, des arceaux de hottes pour transporter minerai et roche stérile, des brancards utilisés pour porter de lourdes charges, des baguettes de torchères carbonisées à une extrémité, des lampes en terre cuite et des céramiques dont une cruche avec son bouchon en bois. Dans plusieurs grands chantiers verticaux, des galeries entièrement boisées ont été aménagées pour le passage dans une deuxième phase de travaux intervenue dans le dernier tiers du IIe siècle de notre ère. Les céramiques trouvées et surtout les analyses dendrochronologiques obtenues sur les différents bois prélevés montrent précisément les avancées des travaux entre les années 150 et 180 (chronologie établie par Christian Orcel du Laboratoire Archéolabs, France).



Echelle monoxyle antique,
retrouvée conservée in situ dans une galerie romaine
Crédits : Béatrice Cauuet, CNRS, UMR 5608 TRACES


Le réseau antique et post-Renaissance de Catalina Monulesti apparaît déjà comme un espace minier ancien remarquable où une grande partie des équipements caractéristiques des mines romaines de Rosia Montana pourra être préservée, restaurée, consolidée et présentée au public ; ainsi que des ouvrages modernes (XVIIe au début XXe siècle) de recherches et d’exploitation avec aiguillages en bois, échelles et boisages. L’objectif de cette étude est de préserver la mine ancienne de Catalina Monulesti avec notamment des moyens de consolidation pour en faire un musée de la mine à travers les âges, depuis l’Antiquité romaine jusqu’aux temps modernes.
 
Ces travaux ont été effectués dans le cadre d’une mission scientifique du CNRS (France), des recherches archéologiques programmées ont été lancées depuis octobre 2011 dans les réseaux romains. Cette mission est menée en collaboration avec des archéologues du Musée National d’Histoire de la Roumanie de Bucarest et des géologues de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca (Roumanie). L’équipe archéologique a regroupé 32 spécialistes, présents alternativement sur le site, des archéologues miniers, des géologues, des dendrochronologues, dont 14 Français, 6 Roumains et plusieurs spécialistes d’autres nationalités (Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne, Singapour, Tchad). La société minière RMGC présente sur le site soutient en hommes (une cinquantaine de mineurs) et en moyens logistiques et financiers les recherches archéologiques menées dans ce nouveau réseau antique dans le cadre d’un mécénat et d’un partenariat scientifique, France (Toulouse) – Roumanie (Bucarest – Cluj), qui porte sur un programme d’archéologie programmée.


Rédacteurs

Dr. Béatrice Cauuet, Chercheur au CNRS, Responsable mission archéologique, Laboratoire TRACES – UMR 5608, Université Toulouse 2 (France).

M. Bertrand de Boisdeffre, Chargé de mission pour la coopération scientifique – Institut Français de Roumanie.

Voir l'article sur le site de l'Ambassade de France en Roumanie


Voir l'article consacré à cette découverte dans le MagRecherche de Toulouse

Un document spécial consacré à cette découverte