Systèmes techniques en Afrique


La caractérisation des savoir-faire techniques constitue une clef d’accès majeure à l’information culturelle et notamment à la connaissance des processus de mise en place et de diffusion des cultures préhistoriques et historiques. Ainsi, par une caractérisation et une reconstitution des systèmes techniques (industries lithiques, produits céramiques et métalliques, mises en œuvre architecturale) en Afrique, cet axe a pour objectifs :
  • la restitution de paysages socio-culturels (reconnaissance des identités régionales, analyse de la complexification sociale, émergence des Etats…) et l’établissement d’un ordre chrono-culturel (périodisation),
  • la documentation des mécanismes de transmission et d’évolution des savoirs et savoir-faire (phénomènes d’innovation, de métissage, d’emprunt…),
  • le détail des processus évolutifs et « historiques » (articulation culturelle, analyse de la transformation des structures de sociétés, mobilités, territoires et frontières sociales).

Le choix de rassembler plusieurs spécialistes de systèmes techniques différents au sein d’un même thème permet un dialogue méthodologique (par exemple sur les protocoles d’approches de séries archéologiques issues souvent de contexte difficile sur le plan stratigraphique ou spatial ou sur l’élaboration de référentiels actualistes), mais aussi conceptuel et théorique (par exemple sur la place du déterminisme environnemental dans les changements économiques et sociaux,…). Ajoutons que ces systèmes techniques correspondent en outre aux principaux domaines d’expertise de l’équipe.


Les recherches conduites au sein du Pôle Afrique sur « les industries lithiques » reflètent l’importance de cette thématique sur le continent africain, qui possède la plus longue histoire de l’utilisation de la pierre taillée tout en illustrant une très g rande diversité des matériaux, des techniques, des contextes. L’approche commune à l’équipe est, de ce fait, la technologie lithique; elle vise à explorer plusieurs problématiques clés telles que la transition MSA-LSA, l’importance des foyers d’innovation technique (Rift, Afrique australe), les modalités de la transmission technique observées sous les angles de l’expérimentation et de l’ethnoarchéologie. Trois thèses de doctorat sont en cours. La première (C. Ménard, soutenance prévue en 2014) porte sur l’étude de la production de supports lamino-lamellaires notamment dévolus à la confection de microlithes (segments de cercle) durant le Late Stone Age (LSA) dans la Corne de l’Afrique (F. Bon dir.). La deuxième (M. Redondo), a pour objet l’émergence des technologies lamellaires dans le contexte de la préhistoire sud-africaine à travers l’étude des industries lithiques du Robberg. La troisième (J. Robitaille) a pour ambition de confronter aux analyses morpho-techniques effectuées sur le macro-outillage lithique éthiopien celles acquises durant des observations ethno-archéologiques. S’ajoutent à ces recherches, des études de séries comme celles conduites par V. Mourre en Afrique du Sud sur l’industrie du Middle Stone Age de Blombos et en Mauritanie sur l’industrie acheuléenne de la Majâbat al Koubrâ.
 

La question de l’évolution des cultures matérielles est au cœur des projets menés par J. Cauliez sur « la production céramique » en Afrique de l’Est. Que ce soit dans ses projets MAEDI (Premières Sociétés de Production dans la Corne de l’Afrique), FYSSEN (Transmission des techniques et des styles céramiques dans la vallée du Rift éthiopien : un vecteur d’évolutions. Ethnographie des traditions potières en r égion est Showa et Arsi, Oromiya) ou sa participation à l’ANR DIFFCERAM (Dynamiques de diffusion des techniques et styles céramiques : données comparatives actualistes et modélisation multi-agents, V. Roux dir.), elle observe les transferts des traits techniques et stylistiques et tente de les interpréter en termes sociologiques et historiques (codification des rapports sociaux, valeur culturelle de ce produit manufacturé, à la fois marqueur de différentiation individuelle – figure emblématique de l’artisan potier – et collective – frontières sociales). Le continent africain, de par la présence active de potières, offre un cadre idéal pour construire un référentiel sur les conditions de transmission et redistribution de la culture matérielle.
 

« La métallurgie » et plus particulièrement la sidérurgie requière la maî trise de savoirs nombreux et complexes. Même si des règles physico-chimiques régissent la transformation du minerai en métal et du métal en objet, les métallurgistes peuvent déployer des choix techniques différents. Que ce soit au Mali (projet Peuplement humain et Paléoenvironnement en Afrique de l’Ouest dirigé par E. Huysecom), au Burkina Faso (Mission Archéologie à Markoye dirigé par M. Barbaza), au Tchad (J. Mbairo doctorant), au Bénin (projet ERC Crossroads of Empires dirigé par A. Haour) ou au Togo (projet ANR Sidérurgie et Environnement au Togo, dirigé par C. Robion-Brunner), les recherches montrent une grande diversité des techniques sidérurgiques et une coexistence de cette variabilité dans le temps et dans l’espace.


L’approche de « l’architecture » confronte à la fois des données d’Afrique de l’Ouest sur la construction médiévale en terre, comme au Mali (projet Grande Mosqu ée de Tombouctou dirigé par B. Poissonnier) ou au Maroc (projet Sijilmâsa (Maroc) : ville, oasis, carrefour dirigé par F.-X. Fauvelle), tandis que l’Afrique de l’Est, avec l’Éthiopie, permet d’aborder un phénomène encore trop peu étudié pour ce continent : le mégalithisme (projet Stèles géantes d’Aksoum dirigé par B. Poissonnier). Ces dernières recherches ont permis de montrer comment, dans le nord du pays, ses ultimes manifestations durant l’Antiquité, après des siècles de pratiques, ont abouti à de véritables exploits architecturaux. La caractérisation architecturale des vestiges urbains fait également partie de la démarche de production de données sur l’Afrique antique et médiévale, en Ethiopie (thèse de Hiluf Berhe sur l’histoire des fouilles archéologiques sur le site antique d’Aksum, dir. F.-X. Fauvelle) comme dans l’aire de civilisation swahili (thèse de S. Manaharivo sur les vestiges urbains médiévaux du nord de Madagascar, dir. F.-X. Fauvelle).