La Grotte de Troubat (Hautes-Pyrénées, France).

(Coordinateur : M. Barbaza)

Ministère de la Culture et de la Communication, Région Midi-Pyrénées, Département des Hautes-Pyrénées.

Présentation générale

Après bientôt 20 ans de fouilles méthodiques unissant les efforts d'une dizaine de spécialistes de disciplines diverses (préhistoriens, géologues et sédimentologues, biologistes spécialistes des faunes, de la végétation ...), l'exploration du gisement de la  grotte de Troubat dans les Hautes-Pyrénées n'a concerné qu'une faible part des dépôts archéologiques. Un bilan des potentialités documentaires du site peut être néanmoins dressé. Témoin parvenu jusqu'à nous dans un état exceptionnel de conservation, le gisement n'a pas souffert des travaux précurseurs très destructeurs exécutés ailleurs au cours des 19ème et 20ème siècles (Mas d'Azil, grotte de Lortet, grotte de Gourdan ...). Il constitue donc un ensemble documentaire rare et, de fait, extrêmement précieux.

La grotte-abri du Moulin à Troubat (Hautes-Pyrénées) se développe dans les retombées de calcaire secondaire formant la bordure septentrionale des Massifs nord-pyrénéens. Elle s'ouvre à 541 m d'altitude près du débouché du bassin de l'Ourse sur les régions du piémont garonnais. Il s'agit d'une petite cavité précédée d'un front de falaise formant abri ; la zone du porche rassemble l'essentiel des dépôts archéologiques. L'étude préliminaire du remplissage sédimentaire, montre que celui-ci s'est fait pour les niveaux les plus profonds, à partir des colmatages fluvio-glaciaires qui sont encore observables dans les galeries profondes ; ensuite il s'est constitué ensuite aux dépens de l'éboulis de pente réglant le versant.

Résultats

Les fouilles méthodiques ont mis en évidence une importante stratigraphie archéologique puissante de plus de 4 mètres au total surmontant un remplissage d'épaisseur inconnue comblant la majeure partie de la cavité. La séquence conserve de très nombreux et riches restes d'habitats (vestiges de campements : aménagements, restes alimentaires ; de produits de fabrication : outillages de silex taillés ou d'os ; objets d'art ...) abandonnés dans la cavité par les groupes de chasseurs - cueilleurs - collecteurs préhistoriques. Plusieurs niveaux archéologiques ont été distingués à ce jour au sein des dépôts sédimentaires. Les éléments documentaires ont été rassemblés selon des quantités généralement très significatives. Ont été reconnus :
 
  • plusieurs horizons du Magdalénien moyen (Magdalénien moyen ancien et récent) dans les horizons sédimentaires 13 à 11, avec des sagaies de Lussac-Angles pour les niveaux les plus anciens et des objets d'art classiques du Magdalénien moyen (propulseur, contour découpé ... pour les niveaux les plus récents,

  • plusieurs couches livrant du Magdalénien supérieur (couches 10, 9 et 8) caractérisées par une industrie lithique classique dans la zone pyrénéenne et, bien sûr, une abondante production d'objets en matières dures animales avec, notamment, des têtes de harpons et de sagaies décorées. Ce Magdalénien supérieur se prolonge au sein d'un puissant dépôt (couche 7), daté de la seconde moitié du XIIe millénaire avant le présent, sous la forme d'un Magdalénien terminal à faune tempérée. L'industrie lithique est celle du Magdalénien supérieur pyrénéen tandis que l'outillage en matières dures animales, toujours abondant, poursuit sans équivoque la tradition magdalénienne,

  • une couche bien individualisée riche en vestiges de l'Azilien pyrénéen classique (Couche 6) a été situé chronologiquement au début du millénaire suivant ; sa structure industrielle est dominée par les pointes aziliennes et les lamelles à dos, ainsi que par les grattoirs microlithiques et les pièces esquillées. L'outillage osseux est fortement attesté notamment par de nombreux exemplaires de harpons plats. Des galets peints y sont associés. Un petit outillage lithique à pointes de Malaurie et rectangles provenant du sommet anciennement perturbé de cet horizon signe la manifestation de l'Epilaborien,

  • de puissants niveaux mésolithiques surmontent les horizons du Paléolithique supérieur terminal. Ils se distinguent aisément des précédents par leur constitution en escargotière. Les rares vestiges de la culture matérielle appartiennent au Sauveterrien moyen Montclusien à armatures hyperpygmées. Cet ensemble est bien situé chronologiquement dans le site même vers le milieu du IXe millénaire avant le présent (Couches 4, 3 et 2).

L'ensemble de ces éléments constitue donc une documentation se prêtant de manière particulièrement favorable à l'étude des conditions de passage d'un genre de vie paléolithique et épipaléolithique (C. 10, C.8 à C.6) à un mode dit "mésolithique" pour simplifier (C.5 à C.3). Les contrastes mis en évidence, sans nul doute induits par les modifications des conditions environnementales, soulignent des différences bien marquées dans les modalités d'occupation du site ; leur articulation étroite avec les mutations culturelles ne constitue cependant pas  une donnée évidente. La découverte, en juillet 1996, d'un réseau profond a permis de reconnaître un dispositif pariétal réduit mais complexe. La galerie Raymond-Bonnet fait ainsi apparaître des esquilles profondément implantées dans les fissures et interstices des parois, des traits gravés indubitables, ainsi qu'un aplat de pigment rouge.

Publications relatives à l'opération

Barbaza M. 1996. La fin du Magdalénien dans les Pyrénées. Introduction au Catalogue de l'Exposition :"Art magdalénien des Pyrénées", Musée des Antiquités Nationales. Saint-Germain-en-Laye.

Barbaza M., Fritz C., Pomies M.P. 1999. Une pendeloque gravée azilienne à Troubat-en-Barousse (Hautes-Pyrénées). Préhistoire Ariégeoise, t. XXXII, pp. 85-112, 14 fig.

Barbaza M. Pomies M.-P. 1999. Le dispositif pariétal du réseau « Raymond-Bonnet » (Grotte du Moulin à Troubat ; Hautes-Pyrénées). Préhistoire Ariégeoise, t. LIV, pp. 127-139, 3 fig.

Barbaza M. 1999. Les cultures du Postglaciaire en Europe. Collection  Histoire de la France préhistorique , La Maison des Roches éd., Le Seuil, Paris, 126 p.

Barbaza M. et Lacombe S. 2005. L'Azilien des Pyrénées : une culture originale. In : Jaubert J., Barbaza M. (dir.). Terres et hommes du Sud. Territoires,déplacements, mobilité, échanges durant la Préhistoire. Actes du Colloque du 126ème congrès du C.T.H.S. Toulouse, 2002. 561 p. (pp. 421-428, 4 fig.)