Villes africaines dans leur paysage


La question des villes africaines dans leur paysage est au cœur de cet axe et de plusieurs des programmes animés au sein du pôle. L'un des paradoxes de la recherche au sujet des villes africaines est en effet que celles-ci se sont développées dans des environnements qui ne nous apparaissent pas immédiatement favorables, et qui en tout cas ne présentent pas les caractères attendus, tels que la présence d'un axe fluvial, de plaines cultivables, de zones de fortes densités démographiques, etc. Au contraire, il est frappant de constater que les cités islamiques médiévales découvertes en Ethiopie au cours des dernières années par l'équipe de F.-X. Fauvelle (membres: L. Bruxelles, R. Mensan) se sont développées dans une zone d'escarpement du haut plateau du Rift, dans un environnement naturel extrêmement contraint par le relief, le fort contraste des précipitations, l'importance de l'érosion des sols. En témoigne aujourd'hui le fait que les ruines de ces cités, florissantes du XIIIe au XVIe siècle, se trouvent dans des zones intégralement reconquises par une savane à épineux en aucun cas propice aujourd'hui à l'agriculture. Certes, la prise en compte de variations même minimes du climat à l'échelle séculaire amène à réfléchir sur les différences de conditions d'implantation entre le passé et l'actuel. Il reste cependant que les modalités d'anthropisation du paysage par les cités médiévales doit aussi prendre en compte les caractères recherchés par la fonction d'urbanité.

 

Dans le cas des cités éthiopiennes, il semble que la fonction recherchée soit celle d'interface entre zones écologiques distinctes, entre hauts plateaux et basses terres, qui sont aussi des zones de peuplement différents (entre populations sédentaires et agricoles chrétiennes, d'une part, et populations naguère marchandes et musulmanes, respectivement). La recherche, même sous contraintes environnementales puissantes, de tels seuils naturels, qui sont en même temps des optimums à très fort potentiel d'articulation, paraît être une constante ancienne en Afrique. Ainsi, le site de Sijilmâsa, dont la fouille et l’étude fait l’objet d’un programme transversal « Sijilmâsa : ville, oasis, carrefour » du pôle (membres: F.-X. Fauvelle, R. Mensan, L. Bruxelles, C. Robion-Brunner, T. Soubira), était la porte du grand commerce transsaharien durant tout le Moyen Age. Cette ville, dont les ruines de terre se trouvent dans l'oasis du Tafilalet, s'est développée dans un environnement fragile et bien incapable aujourd'hui de soutenir une population urbaine de quelque densité. Cette faculté vient probablement de la fonction d'interface jouée par Sijilmâsa à l'époque médiévale entre le monde islamique et les marchés de l'or sub-sahariens, interface à même de produire une large plus-value. Ici encore, la fonction d'interface de la ville africaine se joue des contraintes naturelles. Mieux, elle a précisément besoin des environnements intermédiaires, des "marges" écologiques tels que steppes péri-sahariennes et pentes abruptes du Rift pour fonctionner efficacement. Une thèse en cours (T. Soubira) aborde les interactions entre la cité médiévale et son environnement oasien sous l’angle de l’articulation des systèmes hydrauliques urbains et agraires (dir. F.-X. Fauvelle).