L'agglomération protohistorique de La Sioutat à Roquelaure (Gers)

Responsable
Philippe GARDES (INRAP/TRACES).

Institutions partenaires
DRAC (SRA de Midi-Pyrénées), TRACES, Conseil Général du Gers.

Collaborateurs
Alain BADIE (architecte, IRAA  Aix-en-Provence), Laurence BENQUET (céramologue, INRAP/TRACES), Laurent CALLEGARIN (numismate, Université de Pau), Alexandra DARDENAY (spécialiste des fresques, TRACES), Frédérique DURAND (carpologue, TRACES), Alexandre LEMAIRE (responsable-adjoint), Pascal LOTTI (INRAP).


L'établissement protohistorique et antique de La Sioutat à Roquelaure (Gers) se situe à 8 kms au nord d'Auch, sur un promontoire dominant largement les vallées du Gers et du Talouch. Il correspond à un éperon barré par un talus, en grande partie détruit par une carrière, enfermant une surface de 7 ha environ. Signalé probablement dès le XVIIIe s., le site a fait l'objet d'une rapide exploration dans les années 1960. Un bâtiment antique, défini par une série de pièces en enfilade, fut alors mis au jour, de même qu'un abondant mobilier parmi lequel des éléments protohistoriques résiduels. Mais, au terme de plusieurs campagnes, les fouilleurs avaient conclu à la destruction complète des niveaux archéologiques. L'étude du site a tout de même été relancée récemment à travers des prospections (1998-2002) et des sondages (2006) qui ont révélé, contre toute attente, un potentiel archéologique remarquable à l'échelle régionale. La fouille programmée, entamée en 2007, vise à mieux caractériser l'occupation et à étalonner la stratigraphie du site.

Résultats

Dans les deux secteurs de fouille  ouverts, de part et d'autre de la zone explorée dans les années 1960, les recherches ont révélé des vestiges stratifiés appartenant à quatre grandes phases d'occupation.

L'horizon le plus ancien n'a pour l'instant été étudié que sur une surface réduite. L'occupation est matérialisée par des trous de poteaux associés à des sols de terre battue légèrement rubéfiée, appartenant à des bâtiments encore très partiellement dégagés. Ces vestiges de construction remontent au premier âge du Fer et sont parmi les premiers jamais étudiés au sud de la Garonne.

La période suivante est marquée par la mise en place d'un urbanisme réglé par des voies et un système de  terrasses successives implantées sur le versant sud du plateau. Celles-ci ont accueilli des bâtiments rectangulaires définis par des trous de poteaux et des sols de terre battue. Des recharges, matérialisées quelquefois par des radiers de tessons d'amphore jointifs, témoignent de l'utilisation prolongée de ces structures, étagées chronologiquement entre la fin du IIe et la première moitié du Ier s. av. n. ère. Ces données rendent compte du caractère urbain de l'occupation et présentent un intérêt exceptionnel à l'échelle du Sud-Ouest.

L'habitat se maintient ensuite alors même que les terrasses ne semblent plus entretenues. Les structures construites, désormais inscrites partiellement dans la pente, renvoient aux modèles architecturaux antérieurs. La technique de la sablière semble néanmoins faire son apparition durant cette période. Quelques structures extérieures, dont des fours domestiques, sont également à signaler. Cette phase peut être située entre 60/50 et 40/30 av. n. ère.


L'architecture en dur ne se manifeste qu'à partir des années 40/30 av. n. ère. Ainsi, un vaste édifice compartimenté a été identifié dans un des secteurs de fouille. Il combine une fondation en pierres sèches, enrichie de mortier maigre, et une élévation probablement en terre et bois (pans de bois ?). Il s'agit de la construction de ce type la plus ancienne actuellement reconnue au sud de la Garonne.




Durant la dernière phase d'occupation, un bâtiment de grande extension, dont une aile avait été fouillée dans les années 1960, a été édifié sur le versant sud du plateau. La construction, de plan carré (38 m de côté environ), comporte une série de pièces réparties en quatre ailes, donnant sur une cour centrale, schéma classique d'une domus de type italique. 


Mais d'autres caractéristiques rendent particulièrement intrigant cet édifice: sa précocité (-20/+10), la qualité de la décoration pariétale, unique à ce jour en Gaule non méditerranéenne (Dionysos en majesté, matronne assise, motifs en trompe-l'oeil...), sa position topographique sur un éperon, à l'écart des terres agricoles et présentant des difficultés d'approvisionnement en eau, ou la proximité d'Auch, chef-lieu de la cité des Ausques.

Ces premiers résultats témoignent de l'intérêt exceptionnel du site de La Sioutat. C'est en effet la première agglomération protohistorique fouillée entre Garonne et Pyrénées. Les données recueillies revêtent donc une valeur exemplaire pour la compréhension du phénomène d'urbanisation dans la région, l'étude des techniques architecturales et la connaissance de la culture matérielle et de son évolution.



Perspectives

La fouille des niveaux préaugustéens et augustéens est achevée depuis 2009. L'étude des horizons de la fin de l'âge du Fer (IIe-première moité du Ier s. av. n. ère) devrait arriver à son terme en 2010. Au-delà, il est prévu de réunir les deux zones de fouilles, en portant l'emprise à 1700 m2, dans le cadre d'un nouveau programme de recherche.