LEON Yoanna

Thèse de doctorat en co-tutelle à l'Université de Toulouse 2 et à l'Université de Toulouse 3, soutenue à Toulouse le 7 décembre 2010, sous la co-direction de Robert SABLAYROLLES et de Philippe SCIAU.

Titre
Etude de la diffusion en Gaule d'une technique romaine (élaboration des sigillées) à travers l'analyse microstructurale des surfaces décoratives (ou engobes).

Jury
CARLES Robert
, Professeur Université Paul Sabatier (CEMES,  Toulouse), Président
de BOISSIEU Marc
, DR CNRS (INP, Grenoble), Rapporteurs
VENDRELL-SAZ Marius
, Professeur Université de Barcelone, Rapporteurs
SANCHEZ Corinne
, CR CNRS (UMR 5140), Examinateurs
REGUER Solenn
, Scientifique de ligne (Synchrotron Soleil), Examinateurs
SCIAU Philippe
, CR CNRS (CEMES, Toulouse), Directeur de thèse
SABLAYROLLES Robert
, Professeur émérite Université Toulouse le Mirail (TRACES), Directeur de thèse

Résumé
La céramique sigillée est une vaisselle de table décorée de formes standardisées caractéristique de la période romaine et dont la fabrication est réservée à quelques ateliers spécialisés. Reconnaissable par ses décors mais surtout par sa couleur rouge, elle se caractérise par un engobe grésé obtenu par vitrification sous atmosphère oxydante d'une préparation argileuse finement décantée et riche en fer. La technique de fabrication apparaît en Italie centrale au cours du premier siècle avant J.C. (Arezzo, Pise) et va ensuite s'étendre, durant la période augustéenne.

Dès le début de notre aire, de grands centres de production de sigillées (La Graufesenque, Montans) se mettent en place dans le sud de la Gaule, développant leur propre répertoire de forme et de décoration. Avant cela, ces centres sud-gaulois et d'autres ateliers à diffusion plus régionale (Bram), ont produit dans le sud de La Gaule une céramique à engobe non grésé, reproduisant les formes anciennes des sigillées italiques. L'analyse microstructurale des engobes de ces différentes productions, réalisée à différentes échelles par des techniques de caractérisation complémentaires, apporte des informations pertinentes sur le contexte entourant l'apparition des premiers ateliers de sigillées sud-gaulois. Les principales réactions chimiques intervenant dans la formation des vernis ont pu être identifiées grâce à une étude menée en parallèle sur le comportement en température d'une sélection d'argiles permo-triasiques (source probable des engobes). De l'ensemble de ces données, il est à présent possible de déterminer les conditions (nature et composition de l'argile, température et atmosphère de cuisson) conduisant à tel ou tel type de microstructure mais également de mettre en évidence les similitudes et les caractéristiques propres de chaque atelier. La variation spatiale du rapport Fe2+/Fe3+ obtenu par XANES au seuil K du fer, permet, par exemple, d'identifier en grande partie les variations d'atmosphère au cours de la cuisson, et de distinguer facilement les sigillées des présigillées rouges qui conservent toujours la trace de leur cuisson en atmosphère réductrice. L'étude des vernis des sigillées par spectroscopie Raman, montre quant à elle, que les défauts cristallins de l'hématite (pigment principal) dépendent des conditions d'élaboration (nature de l'argile et température de cuisson) et peuvent donc être utilisés comme critère pour distinguer les différentes productions entre elles.

Les principaux résultats montrent que la céramique à vernis non grésés (présigillées) fabriquée quelques dizaines d'années avant la production de vraie sigillée, correspond bien à un produit finit de fabrication plus traditionnelle et à diffusion locale, visant peut-être à combler un besoin lié au déficit en vaisselle de table qui existait à cette époque. Les potiers ont adapté la composition de leur vernis en fonction des fours à flammes directes traditionnellement utilisés (cuisson en atmosphère réductrice) dans le but d'obtenir un engobe rouge, mais n'ont jamais cherché à modifier le mode de cuisson pour fabriquer de la sigillée à engobe grésé. Les productions de sigillées, cuites en atmosphère oxydante se mettent en place brutalement dans les années +20, ce qui suggère l'intervention de spécialistes (italiens) maîtrisant déjà parfaitement la technique. Ce transfert s'est accompagné d'une modification du procédé d'élaboration qui confère aux vernis une meilleure résistance mécanique et améliore également leurs propriétés optiques, mais nécessite cependant une température de cuisson plus importante et donc un coût supplémentaire. Pourtant l'étude des ressources en argiles des différents centres sud-gaulois tend à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une adaptation aux argiles locales. Il semblerait qu'une différence dans la préparation du vernis soit responsable de cette modification structurale. Les potiers de La Graufesenque et de Montans ont vraisemblablement adapté de nouveaux procédés (mode de cuisson) tout en conservant un certain savoir faire indigène pour la préparation de l'argile. Cette modification résulte donc d'un choix volontaire ou en tout cas d'un procédé particulier volontairement conservé, qui entraîne une évolution du produit. Celui-ci devient plus fonctionnel mais tout aussi esthétique peut-être en réponse à un besoin en vaisselle utilitaire plus marquée à cette époque. Même si on ne peut pas vraiment parler d'un changement de statut de la sigillée, il est clair que cette évolution suit de façon parallèle, les variations de contexte politique et économique (empire / Principat) qui entoure les deux productions considérées (italiques et sud-gauloises).

Mots clef : Sigillée, engobe, microstructure, technique, diffusion.

Abstract
The terra sigillata ceramic is a decorated vessel with standardized forms characteristic of the Roman period and its manufacture was reserved to few specialized workshops. This pottery is recognizable not only by its decorations but by its colour and its brightness, attained by means of a red vitrified slip. This one was obtained by firing under oxidizing conditions an iron rich clay finely settled. This technique appeared in central Italy during the 1st century B.C. (Arezzo, Pisa) and it was spread across the Roman Empire during the Augustan period. From the beginning of our era, big centres of production of sigillata (La Graufesenque, Montans) were set up in the South of the Gaul, developing their own directory of shapes and decorations. Before it, these south-Gallic centres and other workshops with a localized production (Bram) produced in the South of The Gaul a non vitrified slip ceramic, reproducing the ancient forms of the italic sigillata.

The microstructural analysis of the slip of these different productions have been performed in a wide range of scales (by means of complementary characterization techniques) brings us relevant information on the appearance context of the first workshops of south-Gallic sigillata. The main chemical reactions occurring in the formation of the slips have been identified thanks to a study of the behaviour in temperature of a selection of permo-triasiques clays (likely source of slips). From all these data, it is now possible to identify the conditions (nature and composition of the clay, the temperature and the atmosphere of firing) leading to specific types of slip microstructure and also to bring to light the resemblances and the characteristics of different productions. The spatial variation of the report Fe2 + / Fe3 + obtained by means of Fe-K Edge XANES in the K-edge of iron, allowed, example, to precisely identify the variations of atmosphere during the annealing, and to distinguish easily the true sigillata from red imitation of sigillata which always preserves the track of their firing in reducing atmosphere. The study of sigillata slip by spectroscopy Raman highlighted the crystalline defects of the hematite (main pigment) depending on conditions of elaboration (nature of the clay and the temperature of firing) and can be thus used as criterion to distinguish the different productions.

These results show that the ceramic with non vitrified slip (sigillata imitation) corresponded well to a end product with a more traditional manufacture and in localized production, maybe aiming to fulfil a need connected to the deficit of vessels which existed during this period. The craftsmen adapted the composition of their slip according to kilns traditionally used (firing in reducing atmosphere) with the aim of obtaining a red slip, but have never tried to modify the mode of firing to make of the truth vitrified slip sigillata. The production of sigillata, fired in oxidizing atmosphere, suddenly appears in the years 20 AD, what suggests the Italian specialists' intervention mastering perfectly this technique. This transfer came along with a modification of the process of elaboration which confers on slip a better mechanical resistance and also improves their optical properties, but requires a higher temperature and thus adding an additional cost. Nevertheless the study of the resources in clays of the various south-Gallic centres tends to demonstrate that it is not about an adaptation to local clays. It would seem that a difference in the preparation of the slip is responsible for this structural modification. The potters of La Graufesenque and Montans credibly adapted new processes (mode of firing) while preserving certain know-how to make native for the preparation of the clay. This modification thus results from a voluntary choice or in any case from a voluntarily preserved particular process, which leads an evolution of the product. This one becomes more functional at the same time that the aesthetics are preserved, maybe in answer to a more marked need in utilitarian vessels in this period. Even though we cannot really speak about a change of status of the sigillata, it is clear that this evolution follows in a parallel way, the variations of political and economic context (empire/Principate) which surrounds both considered productions (italic and south-Gallic).

Keywords : Sigillata, slip, microstructure, technique, distribution