Fouilles programmées d'Isturitz

Transition Paléolithique moyen - Paléolithique supérieur et évolution de l'Aurignacien dans la salle de Saint-Martin de la grotte d'Isturitz (commune de Saint-Martin-d'Arberoue). Phase I : la séquence aurignacienne

Equipe de recherche

Responsable :
C. Normand (TRACES-UMR 5608 Toulouse-Le Mirail).

Membres équipe scientifique 2009 :
S. A. de Beaune (Université J. Moulin, Lyon) - F. Bachellerie (PACEA-UMR 5199) - P. Cattelain (Université libre de Bruxelles, CEDARC) - M. Chavigneaud (Musée des Antiquités Nationales) - S. Costamagno (TRACES-UMR 5608) - P. Courtaud (PACEA-UMR 5199) - M. Deschamps (TRACES-UMR 5608) - M. et M.-Cl. Douat (CDS 64) - P. Dumontier (association G.A.P.O.) - Préhistoire et de Géologie du Quaternaire) - Ph. Gardère (INRAP) - N. Goutas (UMR 7055-Préhistoire et Technologie) - D. Henry-Gambier (PACEA-UMR 5199) - M. J. Iriarte (Departamento de Prehistoria, Universidad del Pais Vasco, Vitoria/Gasteiz) - A. Labarge (entreprise Aulame) - J. Lacarriere (TRACES-UMR 5608) - M. Langlais (PACEA-UMR 5199) - V. Laroulandie (PACEA-UMR 5199) - M. Lauga (CDS 64) - O. Le Gall (PACEA-UMR 5199) - X. Murelaga Bereikua (Departamento de Estratigrafia y Paleontologia, Universidad del Pais Vasco, Bilbao) - M. O'Farrell (TRACES-UMR 5608) -  G. Parent (association Eusko Arkeologia) - J.-M. Pétillon (TRACES-UMR 5608) - W. Rendu (PACEA-UMR 5199) - J. Rios Garaizar (Universidad de Cantabria, Santander) - M. J. Rosa (Vassar College, Poughkeepsie, USA) - C. Schwab (Musée des Antiquités Nationales) - A. Simonet (TRACES-UMR 5608) - M.-C. Soulier (TRACES-UMR 5608) - C. Szmidt (Department of Anthropology, University of Toronto) - A. Tarriño (Centro Nacional de Investigación, Atapuerca) - J.-P. Texier (PACEA-UMR 5199) - E. Tixier (CDS 64) - A. Turq (Musée National de Préhistoire) - R. White (Department of Anthropology, New York University).

Campagnes et missions

Campagnes de fouilles :
5 semaines par an depuis 1999.

Financement :
Ministère de la Culture et de la Communication, SARL des grottes d'Isturitz et d'Oxocelhaya, Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, laboratoire TRACES, Société d'Études Basques Eusko Ikaskuntza.

Synthèse des résultats

La grotte d'Isturitz, située sur le versant nord des Pyrénées occidentales, à une trentaine de kilomètres du rivage atlantique actuel, a constitué pendant des dizaines de millénaires une importante halte pour les groupes humains paléolithiques qui fréquentaient les Pyrénées occidentales. Cette présence s'y est traduite par l'abandon d'une quantité assez considérable d'objets et la mise en place de riches stratigraphies, en grande partie explorées lors de fouilles durant la première moitié du XXe siècle.

Dans le cadre global de travaux sur les changements intervenus lors de la transition paléolithique moyen/Paléolithique supérieur, nos recherches sont actuellement axées sur l'importante séquence aurignacienne encore conservée dans une des 2 salles principales de cette cavité : la salle de Saint-Martin.

La surface actuellement explorée (15 m²), faible par rapport à celle occupée à l'origine par les couches aurignaciennes (près de 1500 m²), est partagée entre 3 secteurs. Plus d'une vingtaine d'ensembles archéologiques ont été distingués dans les stratigraphies reconnues dans ces secteurs et dans un soucis de simplification nous les avons regroupés dans trois séries : inférieurs, médians et supérieurs, respectivement attribués aux Aurignaciens archaïque, ancien et ancien/récent. La richesse des ensembles inférieurs et médians, témoignage d'occupations répétées et denses, contraste avec une relative pauvreté de ceux de la partie supérieure où la fréquentation humaine apparaît bien plus sporadique.

Dans les ensembles inférieurs, les vestiges osseux indiquent une chasse pratiquée durant la belle saison et axée principalement sur le Cheval puis les grands Bovidés, tandis que le Renne n'occupe qu'une place subalterne. La très forte proportion de fragments brûlés signale une utilisation substantielle des os comme combustible. Toutefois, une partie de ceux-ci a servi à la confection d'un outillage (lissoirs et poinçons) assez élaboré, complété par de très rares retouchoirs. Les matières premières employées pour la confection de l'outillage lithique, qui dépasse les mille unités, sont presque uniquement des silex, surtout d'origine proche (25 à 30 km du site) même si ont été mis en évidence des approvisionnements plus lointains, en particulier en Chalosse et sur le versant sud des Pyrénées. Les lamelles retouchées, au large éventail dimensionnel mais très souvent rectilignes et produites à partir de nucléus surtout pyramidaux ou aménagés sur tranche de supports épais, dominent très nettement (aux alentours de 60). Les analyses tracéologiques ont montré qu'il s'agissait d'armatures de projectiles mais aussi parfois de couteaux en complément des lames retouchées (entre 11 et 14 %). Les autres outils sont des burins (entre 5 et 9 %), employés généralement pour la finition d'objets en os ou en bois végétal, des grattoirs (entre 3 et 8 %), maniés dans le cadre du travail des peaux... Quelques pièces sur galets (percuteurs et/ou enclumes) complètent cet inventaire. Les objets de parure comprennent une centaine de gastéropodes perforés (principalement Littorina obtusata) et quelques pendeloques en matériaux divers (ambre, pierre tendre). Enfin, un fragment diaphysaire gravé de 5 « X » et un galet gravé d'un possible arrière-train animal témoignent d'un très ancien art mobilier.  

Les ensembles médians laissent percevoir quelques différences. Le Cheval fournit encore le plus souvent la majorité de l'alimentation carnée mais la part du Renne a considérablement augmenté alors que la saison de chasse n'a pas changé. Au sein de l'industrie osseuse, si le nombre des lissoirs et des poinçons  ne varie guère, il faut noter le net développement des retouchoirs et surtout des  pointes à base fendue, confectionnées dans du bois de Renne. Cette présence est probablement à mettre en relation avec la nette diminution, dans un outillage lithique à l'effectif total très proche de celui des ensembles inférieurs, du pourcentage des lamelles retouchées (entre 23 et 34 %), dont la confection fait désormais appel principalement à des nucléus carénés. En parallèle, celui des lames retouchées (entre 16 et 25 %) et surtout des grattoirs (entre 18 et 24 %) s'est sérieusement renforcé. La parure est représentée par une cinquantaine de dents percées - majoritairement des incisives de Bovidés - et par une trentaine de perles.

Dans les ensembles supérieurs, le matériel, notamment l'outillage lithique (moins de 300 objets) ou osseux (1 fragment de pointe indéterminée) et la parure, est en très sensible diminution et, dans l'introduction de la faune, l'action des carnivores (Ours, Hyène...) augmente nettement.

Quoiqu'il en soit, l'information majeure qui peut être retirée de toutes ces données est qu'il existe à l'évidence une continuité entre l'Aurignacien archaïque et l'Aurignacien ancien dans la séquence aurignacienne d'Isturitz. La plupart des éléments de l'équipement technique considérés comme  marqueurs de la phase ancienne de ce techno-complexe, notamment une dissociation débitage lamellaire/débitage laminaire, apparaissent dès la phase archaïque. Seule la parure pourrait traduire une rupture mais il ne faut pas exclure un éventuel biais spatial.

Dernières publications

NORMAND C., 2005-2006 - Les occupations aurignaciennes de la grotte d'Isturitz (Saint-Martin-d'Arberoue ; Pyrénées-Atlantiques ; France). San Sebastian, Homenaje a Jesús Altuna, Munibe 57, p. 119-129.

NORMAND C., 2006 - Nouvelles données sur l'Aurignacien de la grotte d'Isturitz (communes d'Isturitz et de Saint-Martin-d'Arberoue ; Pyrénées-Atlantiques) : l'industrie lithique de la Salle de Saint-Martin (recherches 2000-2002). In : Bon F., Maillo Fernandez J. M. et Ortega Cobos D. (dir.) - Autour des concepts de Protoaurignacien, d'Aurignacien initial et ancien. Unité et variabilité des comportements techniques des premiers groupes d'Hommes modernes dans le Sud de la France et le Nord de l'Espagne. Actes de la table-ronde de Toulouse, 27 fév.-1er mars 2003. Madrid, Espacio, Tiempo y Forma, 2002, p. 145-174.

NORMAND C., 2007 - Les Aurignaciens de la Grotte d'Isturitz (communes d'Isturitz et de Saint-Martin-d'Arberoue, Pyrénées-Atlantiques, France) . In : Floss H. et Rouquerol N. (éd.), Les chemins de l'art aurignacien. Toulouse, Actes du colloque d'Aurignac, 16-18 septembre 2005, p. 77-88.

NORMAND C. et TURQ A., 2006 - L'Aurignacien de la grotte d'Isturitz (France) : la production lamellaire dans la séquence de la salle Saint-Martin. In : Le Brun-Ricalens F. (dir.), actes du symposium Productions lamellaires attribuées à l'Aurignacien : chaînes opératoires et perspectives techno-culutrelles. XIVe Congrès de l'UISPP, Liège, 2-8 septembre 2001.

NORMAND C. et TURQ A., 2007 - Bilan des recherches 1995-1998 dans la Grotte d'Isturitz (communes d'Isturitz et de Saint-Martin-d'Arberoue, Pyrénées-Atlantiques). In : Cl. Chauchat (éd.), Préhistoire du Bassin de l'Adour : bilans et perspectives. Actes du colloque de Saint-Etienne-de-Baigorry, 19 janvier 2002, éd. Izpegi, p. 69-101.

NORMAND C., A. DE BEAUNE S., COSTAMAGNO S., DIOT M.-F., HENRY-GAMBIER D., GOUTAS N., LAROULANDIE V., LENOBLE A., O'FARRELL M., RENDU W., RIOS GARAIZAR J., SCHWAB C., TARRIÑO VINAGRE A., TEXIER J.-P., WHITE R., 2007 - Nouvelles données sur la séquence aurignacienne de la grotte d'Isturitz (Saint-Martin-d'Arberoue ; Pyrénées-Atlantiques). In : Congrès du Centenaire : un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire. Actes du XXVIe congrès de la SPF, Avignon, 20-25 septembre 2004. Paris, BSPF, vol. 3, p. 277-293.

NORMAND C., O'FARRELL M. et RIOS GARAIZAR J., 2008 - Quelle(s) utilisation(s) pour les lamelles retouchées de l'Aurignacien archaïque ? L'exemple de la grotte d'Isturitz. In : P. Cattelain, M.-H. Diaz Merinho, J.-M. Pétillon, M. Honegger, C. Normand, N. Valdeyron (éd.), État des recherches sur les armatures de projectile, du début du Paléolithique supérieur à la fin du Néolithique. Actes du colloque 83, XVe congrès de l'UISPP, Lisbonne, 4-9 septembre 2006, Toulouse, Palethnologie 1.

ARRIZABALAGA A., BON F., MAÍLLO FERNANDEZ J. M., NORMAND C., ORTEGA I., 2007 - Territoires et frontières de l'Aurignacien dans les Pyrénées occidentales et les Cantabres. In : N. Cazals, j. González Urquijo y X. Terradas, Frontières naturelles et frontières culturelles dans les Pyrénées préhistoriques. Santander, Universidad de Cantabria, p. 301-318, 9 fig.

TARRIÑO A. y NORMAND C., 2006 - Procedencia de los restos líticos en el Auriñaciense antiguo (C4B1) de Isturitz (Pyrénées-Atlantiques ; Francia). In : Bon F., Maillo Fernandez J. M. et Ortega Cobos D. (dir.) - Autour des concepts de Protoaurignacien, d'Aurignacien initial et ancien. Unité et variabilité des comportements techniques des premiers groupes d'Hommes modernes dans le Sud de la France et le Nord de l'Espagne. Actes de la table-ronde de Toulouse, 27 fév.-1er mars 2003. Madrid, Espacio, Tiempo y Forma, 2002, p. 135-144.