Site archéologique de Saint-Martin (Malaucène, Vaucluse)

Equipe de recherche

Responsable :
Vanessa LEA, (Chargée de recherche CNRS,  UMR 5608 Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures les Espaces et les Sociétés de Toulouse)

Participants et membres de l'équipe scientifique :
Pierre ANDRE étudiant préparant le diplôme d'école à l'EHESS,  Yann BELIEZ Archéodoc, Didier BINDER CNRS - UMR 6130 - Centre d'Etudes Préhistoire Antiquité Moyen-Age  à Valbonne, Jacques-Léopold BROCHIER chercheur associé CAP de Valence, Laurent BOUBY CNRS - UMR 5059 - Centre de Bio-Archéologie et d'écologie (CBAE) de Montpellier, Isabelle CARRERE EHESS - UMR 5608 - Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures les Espaces et les Sociétés de Toulouse, Fabien CONVERTINI  INRAP chercheur associé - UMR 6636 - LAMPEA d'Aix-en-Provence, Bernard GASSIN chercheur associé - UMR 6130 Centre d'Etudes Préhistoire Antiquité Moyen-Age de Valbonne, Michel GRENET chercheur associé- UMR 5608 - Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures les Espaces et les Sociétés de Toulouse, Cédric LEPERE post-doctorant et  chercheur associé - UMR 6130 - Centre d'Etudes Préhistoire Antiquité Moyen-Age de Valbonne, Jacques PELEGRIN CNRS - UMR 7055 - Préhistoire et technologie MAE de Nanterre, Ingrid SENEPART Service archéologique de Marseille - UMR 6130 - CEPAM de Valbonne, Eric THIRAULT Paléotime - UMR 5608 - Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures les Espaces et les Sociétés de Toulouse, Loïc TORCHY Doctorant chercheur associé - UMR 5608 - Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures les Espaces et les Sociétés de Toulouse.

Partenaires institutionnels

Ministère de la Culture et de la Communication (SRA - PACA)
Laboratoire TRACES - UMR 5608 (UTM, CNRS, EHESS, INRAP et Ministère de la Culture)
Association DIVARAP (Plaquette de présentation, statuts)
Association du Groupe Archéologique de Carpentras
Mairie de Malaucène
Super U (Vaison-la-Romaine, Malaucène)

Problématique

De la fin du Vème millénaire au milieu du IVème millénaire (Cal. B.C.) se développent de puissants réseaux d'échanges concernant différentes matières premières sur plusieurs centaines de kilomètres. Dans ce cadre, l'un des phénomènes les plus spectaculaires est la diffusion d'outils spécialisés fabriqués en silex barrémo-bédouliens du Vaucluse et que l'on retrouve jusqu'en Toscane en Italie (examen D. Binder) ou jusque dans la région barcelonaise en Espagne en contexte funéraire parmi de riches offrandes (examen V. Léa et D. Binder).
Si les sites receveurs de ces outils spécialisés sont étudiés de longue date, les ateliers producteurs depuis lesquels ils ont été diffusés, restaient jusqu'à récemment totalement inconnus. Les procédés de fabrication de cet outillage spécialisé, que nous sommes aujourd'hui encore dans l'incapacité de reproduire, restent donc totalement mystérieux. Or, le site de Saint-Martin est le premier atelier du genre à être identifié et à pouvoir faire l'objet de fouilles programmées. L'exploitation de ce site permet ainsi d'aborder plusieurs axes de recherche :
  • Le contexte de production : dans quel contexte s'inscrit la fabrication de cet outillage ? S'agit-il d'ateliers spécialisés ou l'activité de taille s'inscrit-elle dans un contexte plus large d'exploitation des terroirs agro-pastoraux ? Quels sont les rythmes de production : les sites producteurs font-ils l'objet d'une occupation saisonnière ? Ou au contraire d'une occupation longue ?
  • L'évolution dans l'organisation de la production : à quels changements dans l'organisation de la production correspondent les changements observés dans l'industrie lithique depuis les phases anciennes aux phases récentes du Chasséen ?
  • Comment se caractérise le savoir-faire des artisans spécialisés ? Quels sont les procédés de fabrication des préformes ? Une attention particulière est portée aux indices que nous pourront obtenir concernant le traitement thermique des préformes de gros module et sur lequel nous ne connaissons rien. Quel est, par exemple, le type de structure utilisé ? Le milieu de chauffe ?...

Situation géographique du site de Saint-Martin

TRACES_Axe-3_Op_Saint-Martin_Carte.jpg Le site de Saint-Martin se trouve au nord du Mont Ventoux, à quelques kilomètres seulement de riches affleurements de silex barrémo-bédouliens. Il se situe à environ deux kilomètres de la sortie du village de Malaucène, en contre bas de la route qui va à Vaison-la-Romaine et en contre haut du ruisseau le Groseau, sur sa rive droite. A l'heure actuelle il s'agit d'un champ cultivé en blé ou maïs.
Le bassin versant du Groseau s'inscrit, à cet endroit, dans les séries sédimentaires essentiellement sableuses et marneuses du Miocène. Quelques kilomètres plus au sud, s'élèvent avec le Mont Ventoux les calcaires du Crétacé inférieur. En rive gauche, en face du site, est représentée la série classique du Miocène inférieur burdigalien de Malaucène : faciès calcaire, faciès calcaréo-argileux, faciès marneux. En rive droite, l'ossature du versant où se trouve le site préhistorique est constituée par les faciès sableux de la molasse du Miocène moyen, helvétien. Un faciès gréseux plus consolidé et résistant a créé, 40 m en arrière du site, un rang de petites falaises de 5 à 8m de hauteur. Un creusement d'origine anthropique a pu y être observé, au sommet du versant. Sur le même versant de rive droite, des formations quaternaires viennent s'appuyer sur ce substrat géologique ancien. Cette séquence présente un intérêt certain pour l'histoire holocène des environnements du site, mais demande encore quelques éléments datants complémentaires.





Découverte du site

Le site de Saint-Martin a été découvert grâce aux recherches menées dans le cadre du Programme Collectif de Recherche " Sites producteurs et sites consommateurs durant le Chasséen en Vaucluse " (2003-2007 ; coordination V. Léa ; SRA - PACA). Ce projet avait pour objectif de faire un bilan documentaire concernant le Néolithique chasséen en Vaucluse afin d'identifier des ateliers producteurs ayant fabriqué ces outils spécialisés. Ce type de sites n'était jusqu'alors pas connu. Après 3 années de recherche c'est plus de 80 sites chasséens qui ont été recensés et plus d'une dizaine d'ateliers producteurs qui a été identifiée.
Les habitants de la région disent avoir toujours remarqué la présence de nombreux silex en surface dans le champ. Dans les années soixante, L. Gauthier et C. Devalque ont fortuitement découvert le site de Saint-Martin et ont récolté une très abondante série lithique (plusieurs centaines d'éléments). La révision de la collection Gauthier, conservée à la mairie de Sainte-Cécile-les-Vignes, et réalisée dans le cadre du PCR, a mené à la redécouverte de cette très intéressante collection ainsi qu'à son interprétation. Il s'agit d'éléments se rapportant aux phases de mise en forme des préformes en silex bédouliens chauffés (éclats, déchets, éclats thermiques), c'est-à-dire tout ce que l'on ne connaît pas à l'heure actuelle concernant les processus de fabrication de l'outillage spécialisé au Chasséen. Cette série lithique est ainsi remarquable de part l'ensemble de 30 préformes qui la compose (jusqu'à la redécouverte de cette collection, une seule préforme chasséenne, provenant du site de Mormoiron, était connue (travaux de D. Binder)). L'analyse de ces préformes a permis de mettre en évidence différents niveaux de savoir-faire et offre une image assez contrastée entre de bonnes préformes tout à fait opérationnelles, de bonnes préformes reprises de manière très maladroite et donc condamnées dans un second temps (par des apprentis ?), des préformes attestant de nombreuses maladresses dès le début de la mise en forme.
Ces éléments laissaient suspecter la présence d'un atelier producteur ainsi que de phases d'apprentissage, et nous ont incité à entreprendre des prospections ainsi qu'une opération de sondages en 2006.
 

Les opérations de terrain menées depuis 2006

 
Les opérations de terrain (sondages et fouilles programmées en cours) confirment la présence d'un atelier producteur. De très nombreux vestiges liés à la fabrication de l'outillage spécialisé en silex barrémo-bédoulien, et notamment de nombreux ratés de chauffe, attestent un site d'envergure qui s'étend sur plusieurs hectares. Nous avons donc là pour la première fois la possibilité de mieux cerner les procédés de fabrication de ces préformes qui ont diffusé dans tout le "monde chasséen" et au-delà, et nous avons l'espoir de trouver une structure de chauffe de ces préformes, structure pour l'heure totalement inconnue. Par ailleurs, les sondages menés en 2006 ont révélé la présence d'une stratigraphie qui permettra d'analyser l'évolution de la production sur le long terme.
 
TRACES_Axe-3_Op_Saint-Martin_Vue-fosse-1190.jpg Mais les excavations ont aussi mis en évidence la présence d'un habitat ayant fonctionné avec l'atelier de taille. Plusieurs structures domestiques ont été identifiées et la présence de  faune et de céramique révéle un contexte plus large d'exploitation des terroirs agro-pastoraux. Une certaine sectorisation commence ainsi à apparaître, même si elle devra être plus précisément définie à l'avenir, afin de mieux cerner les relations existant entre l'atelier et l'habitat.

Enfin, les premières analyses géomorphologiques attestent un site très bien conservé (travaux de Jacques-Léopold Brochier). Malgré les imperfections que peuvent être des colluvionnements discrets, et des enregistrements sédimentaires en palimpseste, les conditions taphonomiques de conservation des vestiges chasséens sont parmi les meilleures que l'on puisse trouver en vallée du Rhône et sur ses abords. L'épaisseur de la couche, sa continuité sur une grande surface, préservée par les recouvrements colluvionnaires, ainsi que les niveaux archéologiques repérables par leur grande densité d'objets, en font un site remarquable pour l'étude du statut des occupations humaines de cette période dans le Sud-est de la France.
 
Lors des opérations de terrain, qui accueillent des étudiants de diverses universités ainsi que des locaux, et en parallèle de la fouille, sont organisées des séances d'étude technologique du matériel archéologique, des expérimentations de taille du silex, ainsi que des expérimentations de chauffe. Ce dernier aspect est notamment traité dans le cadre du projet ANR ProMiTraSil en collaboration avec des physiciens et des chimistes.